“Marie, telle que vous ne l’avez jamais vue” par Anne Soupa et Sylvaine Landrion
Toutes les femmes vont pâtir au long des siècles de la malédiction de tentatrices
Tout commence au tournant des 2ème et 3ème siècles lorsque la jeune Église en s’élargissant s’est laissé happer par le modèle sacerdotal du Premier Testament. C’était revenir à la normalité religieuse que Jésus et Paul avaient quelque peu chahutée. Jésus se montrait très libre dans ses relations, sans aucun ostracisme vis-à-vis de telle ou telle catégorie sociale, et était suivi d’hommes et de femmes en un seul groupe. Paul l’avait si bien compris qu’il s’entourait de collaboratrices, comme de collaborateurs. C’est saint Irénée qui va créer le parallèle et le contraste entre Ève et Marie qui, poussé ensuite jusqu’à la caricature, débouchera sur un contre-sens : Ève, la femme, devient LA responsable de la désobéissance et donc du péché originel, d’où la nécessité d’un Fils de Dieu envoyé pour racheter la tache originelle. Face à la figure de la désobéissante va se déployer celle de l’obéissante Marie, la « nouvelle Ève ». Toutes les femmes vont pâtir au long des siècles de la malédiction de tentatrices. Le tout sur fond d’obligation de célibat pour les prêtres. Par une relecture de la Genèse les autrices Anne Soupa et Sylvaine Landrion donnent une vision autre de « cette désobéissance initiale » se terminant non en malédiction mais en bénédiction.
D’autres femmes « fortes » de la Bible
Puis Anne Soupa et Sylvaine Landrion dévoilent « ce visage que vous n’avez jamais vu » dans un parcours biblique passionnant. Très logiquement les récits évangéliques sont référés à leurs racines bibliques, en particulier à d’autres femmes « fortes » de la Bible, au milieu desquelles Marie se détache, unique dans son rôle de Prophète, pleinement humaine au service de son fils.
Anne Soupa et Sylvaine Landrion se plaisent à distinguer deux accents différents entre Paul et Marc d’un côté et Matthieu, Jean et Luc de l’autre. Les premiers, plus sobres sont attachés à l’humanité de Jésus dans la condition commune d’où surgira la révélation de sa divinité. Pour les autres, le divin est placé d’emblée. Ainsi, pour Matthieu, Jésus est divin car engendré de l’Esprit, il est l’aboutissement du Premier Testament, mais aussi pleinement humain car Marie assume la place d’une mère ordinaire. Pour Jean, qui écrit plus tard, Marie se révèle aux noces de Cana et à la Passion où elle apparaît en mère du Christ. En Luc c’est déjà l’enfant dans le sein d’Élisabeth qui atteste du Messie ; après la Résurrection Marie, disciple au milieu des disciples, reçoit l’Esprit-Saint comme eux.
Ainsi se dévoile Marie, modèle du disciple qui sait écouter, discerner, obéir et accueillir.
Anne Soupa et Sylvaine Landrion dénonce la caricature faite de Marie
Nous sommes loin de cette figure évanescente et si loin de notre humanité. Une belle caricature en est la statue de Marie à Lourdes. Sa présentation par le sculpteur au clergé et aux sœurs les avait ravis tant elle rejoignait leur imaginaire de l’Immaculée Conception. Bernadette, la voyante, avait été renvoyée de ce cercle bien-pensant pour avoir laissé éclater sa déception : « Mais ce n’était pas cela. Elle était plus belle, elle me regardait, pas le ciel ! Elle me tendait les mains, elles n’étaient pas jointes. » Elle avait bien dit qu’elle « était comme elle » (14 ans, 1m42). Pouvaient-ils envisager une statue de l’Immaculée Conception en petite jeune fille, sourire rayonnant, tendant les bras à une petite bergère ? Dire qu’on la couronnera plus tard !
On peut aussi s’interroger sur certaines quasi-certitudes affichées par Anne Soupa et Sylvaine Landrion. Par exemple, il leur paraît insensé que Marie n’ait pas eu d’autres enfants. Une commission mixte, protestants-catholiques, a abouti à la conclusion que les deux hypothèses étaient vraisemblables. Et puis, quoi de dégradant de n’avoir qu’un enfant qui demeurera en plus célibataire à l’encontre des règles religieuses ?
Éric Récopé fc
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