“La Petite Bonne” par Bérénice Pichat

28 Nov 2024 | Livre coup de cœur | 0 commentaires

Auteur de l'article : Eric Récopé fc
Crédit photos : Les Avrils

“La Petite Bonne” par Bérénice Pichat

Après la sa trilogie “Les promesses des fleurs”, Bérénice Pichat nous plonge dans le contexte de la 1ère guerre mondiale

La guerre de 1914-1918 a été une boucherie. Rien que pour la France il y eut 1 391 000 morts (1 habitant sur 25) et un peu moins de 4 millions de blessés ; 40% des soldats de l’Armée française furent des invalides et 14% des blessés, soit près de 500 000, l’ont été au visage : plaies de la face, du nez, des yeux et des oreilles, fractures des maxillaires. Par rapport aux blessures de la tête, celles de la face sont d’un pronostic vital relativement bénin et le préjudice esthétique et les conséquences psycho-sociales furent énormes. Au-delà du traumatisme physique, il y a surtout un traumatisme mental. Il y a même un nom qui désigne la pathologie choc post traumatique des combats, l’Obusite ou “le choc de l’obus“.

L’effet moral sur le soldat : perte de sa personnalité, peur du rejet de sa famille mais également au sein de la société puisque ceux-ci vont en être isolés. Elle fut prise en charge par des médecins spécialistes. Les associations et la Loterie Nationale lancée en 1933 vont permettre d’aider financièrement les soldats blessés et leur réinsertion au sein de la société.

Le destin a décidé d’une torture conjugale sans fin

Dans ce livre, Bérénice Pichat nous glisse discrètement dans l’intimité d’un jeune couple aisé dont l’horizon jusqu’ici plein de promesses se trouve réduit à l’espace restreint d’un face à face silencieux entre un pianiste prometteur et désormais sans membres et une femme de devoir réduite aux soins d’un handicapé désespéré. Le destin a décidé d’une torture conjugale sans fin ! Et puis il faut bien une “petite bonne” pour les corvées domestiques, alors, va pour cette jeune femme qui semble un peu plus dégourdie que les autres.

C’est alors que se déploie une alchimie parfaite entre prose et vers libres qui croise ces destins figés dans leur malheur et dans laquelle « la petite bonne » sera le catalyseur de résurgences qui bousculent ce qui semblait à jamais établi. Le destin fatal qui les a dépouillés laisse place à des espaces vierges qu’aucun encombrement ne peut plus cacher ; espaces de reconstruction ?

Des profondeurs de la souffrance partagée se dévoile le fond des âmes

Avec délicatesse, par petites touches, le tableau décrit par Bérénice Pichat reprend couleurs. Des profondeurs de la souffrance partagée se dévoile le fond des âmes et les frontières s’estompent. Il n’y pas que la défiguration qui peut détruire ce que l’on imaginait comme une plénitude personnelle, tant physique que morale. Les regards échangés disent tant de choses dans le silence, comme ces blessures cachées au plus profond de soi et qui ne peuvent se révéler que lorsque la faiblesse et l’humilité se laissent paraître sans plus de coquetterie. Par la petite bonne – comme une pâle aurore – se lève un coin du catafalque trop tôt érigé. Lumière qui éclabousse par le don spontané, sans manières, total, de celle dont on n’attendait rien de plus que son service quotidien, poussière, service, cuisine. Dans une communion qui dépasse les mots, un autre langage surgit ; viendra-t-il à bout de la fatalité ?

Comment ne pas faire le lien avec ces inconnues que Jésus nous révèle par les Evangiles ?

Cette alchimie secrète à laquelle nous convie l’autrice Bérénice Pichat et qui reconstruit secrètement les êtres, parviendra-t-elle à se solidifier au point de renverser l’ordre établi ? Ce roman est d’une justesse incomparable en faisant de « la petite bonne » sans nom l’héroïne inconsciente qui porte le monde comme le font toutes ses semblables. Comment ne pas faire le lien avec ces inconnues que Jésus nous révèle par les Evangiles : la veuve et son obole au Temple, la syro-phénicienne, Marie-Madeleine, la samaritaine, celle qui a des pertes de sang, la femme courbée, la veuve de Naïm, la femme adultère ? Sans violence, sans esbroufe, glissons-nous dans cet autre regard si naturel, celui d’une ‘petite bonne’.

Eric Récopé, fc

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ajouter de la vie aux jours par Anne-Dauphine Julliand

Ajouter de la vie aux jours par Anne-Dauphine Julliand "J'écris le lien. J'écris ce qui nous maintient. J'écris la vie" écrit Anne-Dauphine Julliand « J'ai déjà tout raconté, tout écrit. J'aurais dû m'arrêter là, garder pour moi ce qu'il nous restait à vivre. Mais...

Quand le chômage change les rapports sociaux

La personne au chômage décide des mises à plat régulières pour ne plus attendre les réajustements de son plan de carrière professionnelle.

La patience des traces par Jeanne Benameur

Comme Jeanne Benameur l’auteure de ce livre, nous ne savons pas ce que produisent chez les autres nos paroles, nos écrits et nos gestes.

Un site internet dédié au Jubilé 2025

Ce 24 décembre 2024 l’Eglise Catholique rentre dans une année de jubilé et de grâces jusqu’au au 6 janvier 2026

La vidéo du Pape François, prier chaque mois en Église

La Vidéo du Pape François diffuser les intentions de prière mensuelles du Saint-Père. Nous nous associons à la prière mondiale de l’Église.

Noël : refaire le plein d’espérance !

La question qui nous est posée en cette fête de Noël est :”Qu’est-ce que je peux faire pour que la vie soit meilleure autour de moi ?”

Les Fils de la Charité au Canada : la première décennie (1950-1959)

En 1950, les Fils s’implantent au Canada. Ils apportent un souffle nouveau et la charité dans les paroisses qui leur sont confiées.

Témoignage de Ramón García Misa fc lors de ses voeux

Ramón García Misa fc vient de renouveler sa profession religieuse et témoigne de son parcours à Cuba, Etats-Unis et Colombie.

“Marie, telle que vous ne l’avez jamais vue” par Anne Soupa et Sylvaine Landrion

Anne Soupa et Sylvaine Landrion dévoilent un parcours biblique passionnant de femmes “fortes” de la Bible, dont Marie se détache.

Vie des communautés Fils de la Charité dans le monde

La vie des communautés au Brésil, Colombie, Côte d’Ivoire, Espagne, France, Italie, Mexique, Philippines, Portugal, RDC, République du Congo.

Share This