Croire dans le monde à venir par Dominique Collin op
Lettre de Jacques à nos contemporains
Ex-culturée, insignifiante, décorative au mieux, la foi chrétienne serait-elle tout cela aujourd’hui se demande Dominique Collin op ? Serait-elle remplacée par ces spiritualités néopaïennes dont le point commun est la recherche d’un certain bien-être individuel par diverses méthodes de développement personnel, une sorte de sagesse qui n’est qu’une conformité à l’ordre du monde que l’on renonce à contester ? « En renonçant à tout jugement sur le monde, le christianisme a vidé la foi de toute possibilité d’agir au nom du monde à venir. »
Dominique Collin, dominicain, eut un coup de cœur pour la lettre de Jacques, cinq chapitres au total. Comme lui, nous pouvons lire cette lettre une fois, deux fois, puis ensuite lire le commentaire qu’il en fait ici, une fois, deux fois aussi, il faut prendre le temps.
Qui est Jacques ?
Pour celui qui se présente ici, le seul titre qui compte, c’est d’être « le serviteur de Dieu et de Jésus le Messie ». Il s’adresse comme un frère aux Juifs fidèles à Jésus qui sont « en diaspora », dispersés sur le pourtour de la Méditerranée, immergés dans une culture autre, et vivant comme des étrangers à l’ordre du monde. Parce qu’ils sont quelque part « hors du monde », ils sont capables d’ébranler la suffisance du monde. Et ils en paient le prix. Mais au fil des années vient le risque de se dire chrétiens sans que cela ne change quelque chose en eux. Jacques veut les encourager à tenir ferme dans leur chemin de foi.
La foi n’a de sens que destinée à ce monde, elle se renie quand elle le déserte
Pour lui, la foi est comme « un levier hors du monde qui, à la manière du point d’Archimède, est capable d’ébranler la suffisance du monde », sa vanité, son orgueil, son mépris pour les petits ; monde satisfait qui n’a besoin de personne, qui ne reçoit rien parce qu’il ne sait que prendre ; il ne sait pas accueillir ce qui est différent, il ne sait qu’accaparer y compris avec violence, ce que Dominique Collin op appelle la « convoitise ». Pour Jacques, le monde (qui ne désigne ici ni la terre ni le cosmos, ni la nature, ni l’ensemble des pays) est une globalité d’injustices et de solitude sur fond de suffisance généralisée ; le péché, c’est de ne pas faire le bien que l’on pourrait faire, par indifférence. La foi n’a de sens que destinée à ce monde, elle se renie quand elle le déserte.
La foi qui est engagement personnel et de communautés insiste Dominique Collin op
« Existe-t-il alors une religiosité authentique qui exprimerait l’engagement de la foi à vivre dans le monde pour en ébranler la suffisance ? » Oui, répond Jacques. Il s’agit de cette « foi dans un monde à venir », qui inclut une critique de ce monde suffisant et dur pour les pauvres, foi qui manifeste une liberté, qui résiste aux pressions et autres influences du monde. Et surtout foi qui est engagement personnel et de communautés insiste Dominique Collin op.
La foi chrétienne est « confiance » qui conduit à la pacification des relations humaines
Il existe une autre voie que celle du repli, c’est celle de la foi chrétienne qui est « confiance » (non pas une « croyance » bavarde), foi qui engage un mode de vie global reposant sur l’accueil de Dieu (il est le « Donnant », celui qui donne gratuitement, celui qui se donne depuis toujours dans l’échange trinitaire) et qui conduit à la pacification des relations humaines. Et puisque nous ne pouvons pas sauver le monde, en fait, il l’est déjà et c’est l’œuvre de Dieu, nous pouvons commencer par nous convertir nous-mêmes et en communautés, en vivant sous le mode de la liberté, de la gratuité, du pardon, de la bénédiction, de l’égale dignité de tous.
La lettre de Jacques se termine par un appel à considérer le frère comme un don de Dieu qui lui manifeste tendresse, bienveillance et pardon. « Sauver un frère, c’est déjà sauver ce monde. » Plus qu’un point final, c’est là une ouverture, notre avenir.
Gérard Marle fc
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