Les débuts des Fils de la Charité (2/2). Premières implantations (1918-
1928)
Le Père Jean-Emile Anizan (1853-1928), ancien Frère de Saint-Vincent-de-Paul, fonde l’Institut des Fils de la Charité le 25 décembre 1918. Un des principaux objectifs de cette nouvelle congrégation est « l’évangélisation de la classe populaire et pauvre, par le ministère pastoral et les œuvres de miséricorde dans les paroisses ouvrières » (Constitutions de 1921). Si les Fils de la Charité sont aujourd’hui présents sur quatre continents, leur action débute en région parisienne, dans les quartiers populaires et la banlieue en pleine expansion. Les premiers membres de la congrégation fondée par le Père Anizan doivent se faire une place parmi des populations pauvres, pour partie déchristianisés ou anticléricales, dans des villes s’étendant rapidement, sans prêtre ni église.
À la mort du fondateur de la congrégation, en 1928, les prêtres et frères de l’Institut sont présents dans une quinzaine d’implantations, principalement dans les diocèses de Paris et Versailles. Si peu de traces de ces premiers lieux d’apostolat ont été conservées dans les archives de la congrégation, quelques documents permettent de découvrir les débuts des Fils de la Charité dans le cadre de la paroisse et des œuvres.
Lieux d’implantation des Fils de la Charité en 1928
Extrait du rapport quinquennal adressé au Vatican (1930, archives des Fils de la Charité, 4 B 02/01)
La banlieue parisienne
Lorsque la congrégation des Fils de la Charité est créée, en 1918, la banlieue parisienne est en pleine transformation. Connaissant l’arrivée de nombreux ruraux et étrangers, la « Zone », qui correspond à la première ceinture autour de la capitale et aux anciennes fortifications, ne peut accueillir le flot de nouveaux habitants. Une deuxième ceinture se forme, où les nouveaux lotissements, composés d’habitations anarchiques et précaires, sont bien souvent dépourvus d’église. C’est dans ce contexte que sont fondées les premières communautés de Fils de la Charité.
Depuis 1916, le Père Jean-Émile Anizan est curé de la paroisse Notre-Dame-Auxiliatrice de Clichy. Il s’agit de la première implantation de l’Institut. La chapelle de Notre-Dame-Auxiliatrice est construite à Clichy en 1888. Elle devient une paroisse en 1907, lorsque le Père Daniel Fontaine, ancien Frère de Saint-Vincent-de-Paul, en est responsable. Il en est le premier curé. Le Père Anizan lui succède, après avoir été aumônier militaire à Verdun. Il reste dans cette paroisse, où vivent principalement des ouvriers et des chiffonniers, jusqu’en 1924. Le Père Charles Devuyst, deuxième supérieur général des Fils de la Charité, prend sa suite.
La congrégation s’étend progressivement dans d’autres villes de banlieue, où des chapelles de secours ont été érigées. Celles-ci sont confiées aux Fils de la Charité par les évêques de Paris et Versailles. En 1920, l’Institut s’implante à Argenteuil, au Kremlin-Bicêtre, à Athis-Mons et Athis- Val. L’année suivante, une communauté est présente à Colombes. En 1922, la congrégation est à Gentilly, Villeneuve-Saint-Georges et Paray-Vieille-Poste, puis à Crosne, en 1926.
Parmi les actions des Fils de la Charité, on peut citer celle du Père Léon Ducoin, à Villeneuve-Saint-Georges. En 1923, un hangar est transformé en chapelle. Celle-ci devient la paroisse Notre-Dame de Lourdes, en 1926, dont le Père Ducoin est curé. Face à une population ouvrière, ce Fils de la Charité instaure une « messe du travail » chaque 1er mai, célébrée sur la place Jean-Jaurès. À Paray-Vieille-Poste, le Père Joseph Le Lidec installe une chapelle dans le grenier de la ferme de Vieille-Poste. La ferme de Contin, située à proximité, devient par la suite une église, tandis que ses dépendances servent au patronage, au catéchisme et autres œuvres.
Carte postale des colonies de vacances du patronage de la paroisse Notre-Dame-Auxiliatrice de Clichy (1926, archives des Fils de la Charité,n°2713)
Brochure de présentation des œuvres de la paroisse Notre-Dame- Auxiliatrice de Clichy (1926, archives des Fils de la Charité, n°487)
Ferme de Contin transformée en église, à Paray-Vieille-Poste (années 1920, archives des Fils de la Charité, n°2543/3)
Chapelle de secours du Kremlin-Bicêtre, installée dans un ancien atelier de serrurerie (années 1920, archives des Fils de la Charité, n°2713)
Les quartiers populaires de Paris
Dès 1920, les membres de l’Institut exercent leur ministère à l’intérieur de Paris. Fidèles à leur mission d’apostolat dans les milieux populaires, ils s’installent dans le XIe arrondissement, quartier ouvrier de la capitale.
Une communauté de Fils de la Charité est d’abord ouverte à Notre-Dame-d’Espérance, dans le quartier de la Roquette, peuplé par des ouvriers du secteur du bois et de la métallurgie. À cette époque, il n’y a pas encore d’église, mais une chapelle de secours, construite en 1912 à l’initiative du Père Anizan, encore Frère de Saint-Vincent-de-Paul. Elle devient une paroisse en 1928, et la construction de l’église est achevée en 1930. C’est là que la deuxième section de Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) est créée, en 1927, par le Père Gaston Courtois.
À partir de 1926, les Fils de la Charité sont présents dans la paroisse du Bon Pasteur, dans le quartier de Charonne. L’église est construite en 1873 par des Belges flamands venus travailler à Paris après la Commune. L’édifice, surnommé « église des Flamands », reste la propriété du clergé belge après la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905, qui la transmet ensuite au diocèse de Paris. L’archevêque confie la nouvelle paroisse du Bon Pasteur aux Fils de la Charité. Le Père Georges Vaugeois, premier maître des novices et troisième supérieur général des Fils de la Charité, en devient le curé. C’est dans cette paroisse que meurt le Père Anizan, le 1er mai 1928.
Autel de l’église Notre-Dame d’Espérance (archives des Fils de la Charité)
Église du Bon Pasteur, aujourd’hui détruite (archives des Fils de la Charité)
Messe à l’église du Bon Pasteur (années 1920-1930, archives des Fils de la Charité, n°2713)
L’Union des Œuvres catholiques de France
Dès la création de l’Institut, les Fils de la Charité sont présents à l’Union des Associations catholiques ouvrières, devenue l’Union des Œuvres catholiques de France (UOCF), ce qui contribue au rayonnement de la nouvelle congrégation.
Cette organisation, créée en 1871, permet aux responsables d’œuvres (patronages, cercles, colonies de vacances, œuvres de charité…) de partager leurs expériences, dans le cadre des congrès annuels et par le biais de la revue L’Union. La direction du Bureau central de l’UOCF est confiée
aux Frères de Saint-Vincent-de-Paul à partir de 1898. C’est à cette date que le Père Anizan devient secrétaire général de cette organisation. Il exerce par la suite les fonctions de directeur de la revue L’Union, puis de vice-président de l’UOCF, tout en participant à l’organisation des congrès annuels.
Le lien entre le Père Anizan et l’UOCF ne se défait pas lorsque celui-ci quitte les Frères de Saint-Vincent-de-Paul, et les Fils de la Charité leur succèdent à la tête de cette organisation Plusieurs d’entre eux résident rue de l’Université, dans le VIIe arrondissement de Paris, dont Jean-Émile Anizan, entre 1924 et 1928. Le fondateur des Fils de la Charité nomme le Père Gabriel Bard, secrétaire général en 1926. Ce dernier reste à l’UOCF jusqu’en 1938, et participe notamment à la création du journal Cœurs Vaillants, en 1929.
Revue L’Union (1928, archives des Fils de la Charité)
Rapport semestriel de la communauté de Fils de la Charité du Bureau central de l’UOCF (1927, archives des Fils de la Charité)
Les autres implantations
Si les Fils de la Charité sont principalement présents dans des paroisses de la région parisienne durant les premières années d’existence de l’Institut, celui-ci s’implante également dans le quartier de Dorignies, à Douai, dans le Nord, et à l’école Notre-Dame du Bon-Conseil de Marines, dans le
Val d’Oise.
C’est en 1922 qu’une communauté s’installe dans le diocèse de Cambrai. La paroisse de Dorignies, à Douai, est proposé par l’archevêque au Père Anizan. Principalement peuplée par des mineurs et ouvriers d’usine, elle correspond au type de lieu d’apostolat recherché par le fondateur de l’Institut. Trois Fils de la Charité y sont envoyés pour se charger de la paroisse et des œuvres.
À Marines, la congrégation s’implante en réponse à l’appel de Mgr Gibier, évêque de Versailles. Ce dernier souhaite fonder une école apostolique dans l’Oratoire de la commune, vendu au diocèse. L’école Notre-Dame du Bon-Conseil voit le jour en 1924. Le Père Jules Forget et un prêtre diocésain la prennent en charge, appuyés par une communauté de Fils de la Charité. Elle compte 46 élèves en 1927. L’établissement ferme ses portes en 1930, mettant fin à la présence de la congrégation dans cette ville.
Bibliographie
CASTEL Jean-Marie (dir.), Villeneuve-Saint-Georges de 1840 à nos jours. L’évolution sociale, la vie quotidienne, Montgeron, 1994.
LE CLERC Pierre, Histoire des Fils de la Charité. Premier cahier (1914-1931), Paris, Fils de la Charité, 1997.
LHANDE Pierre, Le Christ dans la banlieue. Enquête sur la vie religieuse dans les milieux ouvriers de la banlieue de Paris, Paris, Plon, 1927.
LHANDE Pierre, Le Dieu qui bouge, Paris, Plon, 1930.
MOY Jean-Yves, Le Père Anizan, prêtre du peuple. Des Frères de Saint-Vincent-de-Paul à la fondation des Fils de la Charité, Paris, Cerf, 1997.
PETITJEAN Odile, Histoire d’une paroisse parisienne. Notre-Dame d’Espérance de 1912 à 1940 : une implantation religieuse réussie dans un quartier populaire, mémoire de maîtrise d’histoire, Paris IV-Sorbonne, 1994.
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