Éloge de la religion par Paul Valadier
Lectures critiques, sans concession
Les religions sont-elles mourantes ou alors d’une vitalité inquiétante ? Laisseraient-elles la place aux croyances non religieuses, à des spiritualités laïques qui, elles, font florès ? Depuis des dizaines d’années, la plume de Paul Valadier, philosophe qui fut directeur de la revue jésuite Études, décortique les propos d’écrivains qui saturent l’espace médiatique ou les rayons de librairies, sans oublier de discuter fermement avec quelques autorités religieuses. Avec toujours une sorte de tendresse pour Nietzsche et son « Gai savoir », qui sut comprendre le vingtième siècle et ses drames avant même qu’il ne débute. Lectures critiques, sans concession, mais qui n’oublient pas que les auteurs ont eux aussi une vie qui dépasse de loin leurs propres discours : ainsi, ils peuvent tenir des discours d’une platitude désarmante sur une spiritualité dite laïque et pour autant être réellement habités par un esprit de courage et d’engagement. Avec l’auteur de ce livre, Paul Valadier, place à la discussion, à la raison.
Les religions sont-elles déconsidérées ?
Certes, mais Paul Valadier en fait l’éloge. Parce que sans leur enracinement dans des communautés structurées, les croyances qui en refusent les contraintes non seulement sont très vite fumeuses – un vague « prendre soin de soi » enfermé dans le soi – mais en plus elles se prêtent à toutes les manipulations possibles. « Nous dirons qu’on a affaire à une religion dès lors qu’on trouve des textes tenus pour sacrés, une tradition qui les transmet au long du temps et les commente, une communauté ou un groupe structuré et rassemblé autour d’une telle tradition, des rites et des célébrations ordonnées selon certaines règles, des croyances partagées et tout un travail d’interprétation de ces croyances et de ces traditions. Cette approche saisit le phénomène religieux comme une réalité historique, collective, sociale. »
Que met-on alors sous le mot de spiritualité ?
« Si l’on n’entend pas là une vie de l’esprit, c’est-à-dire de la réflexion, de la pensée, de la prise de distance réfléchie par rapport aux phénomènes de la vie, une certaine intériorité, il va de soi qu’aucun être humain ne peut ignorer une telle dimension de son existence… Mais la spiritualité dont il est question dans les religions est bien autre chose de plus fondamental et de plus aventureux. Il faut même parler de spiritualités au pluriel, car elles indiquent des chemins et des voies diverses pour s’ouvrir au divin et avancer sur des chemins difficiles. Ce sont des « écoles » avec des enseignements, des conseils et des conseillers, règles de prudence et de savoir-faire. C’est que la vie spirituelle, en ce sens fort et authentique, n’est pas une aventure banale et sans risque », puisqu’il s’agit « d’une sortie de soi », d’un « pars » vers un avenir aujourd’hui inconnu, ce qui appelle un accompagnement, à tout le moins un enracinement dans une communauté.
Il s’agit d’appeler à vivre de l’espérance par la charité et la justice
Elle a tous les défauts du monde, cette Église au point qu’on en oublie ses richesses que sont les myriades de croyants fabuleux, la beauté sobre de ses cathédrales et de ses liturgies. Ces communautés de croyants n’ont jamais revendiqué pour elles la perfection, « leur rôle est d’annoncer à l’humanité qu’elle est appelée en Christ à la vie éternelle ; elles sont porteuses d’une espérance qui passe les espoirs humains. Il s’agit d’appeler à vivre dès maintenant de cette espérance par la charité et la mise en œuvre de la justice. »
Nous avons le devoir de penser ce que nous croyons. Tout en donnant raison à Péguy lorsqu’il affirmait que la chaisière au fond de l’église avait sans doute plus d’intuitions justes de Dieu que tel savant théologien. C’est Paul Valadier qui le souligne !
Gérard Marle, fc
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