Sur la montagne par Adrien Candiard o.p.
L’aspérité et la grâce
Adrien Candiard commente « le Sermon sur la montage »
Ce jeune homme lui faisait part de son envie de vivre pleinement, et sans attendre. Il « pratiquait », il observait les commandements de Moïse. « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, et tu auras un trésor dans le ciel, puis viens et suis-moi ». Il était riche, n’était pas prêt à cela et voulait faire de sa vie ce qu’il voulait, or il faut tout donner ; pour lui, la barre était trop haute.
Dans la longue introduction de ce livre, Adrien Candiard o.p., ce dominicain du Caire connu entre autres pour nous avoir expliqué pourquoi on ne comprenait rien à l’Islam, explique que donner sa vie n’est pas une option. « Qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi la trouvera ». Mais, précise-t-il, le premier à tout donner, gratuitement, n’est-il pas Dieu lui-même ? Par son commentaire des trois chapitres de l’Evangile de Matthieu appelé « le Sermon sur la montage », Adrien Candiard ouvre quelques pistes visant à en faire goûter la saveur, à en comprendre l’exigence, et à bâtir sa vie en lui donnant de solides fondations.
Dieu nous aime « jusqu’au bout »
Tout commence par une vigoureuse interpellation sur le bonheur : heureux êtes-vous, vous qui êtes pauvres, qui pleurez, qui avez faim…, non pas parce que vous êtes pauvres ou affamés, mais parce que le Royaume des cieux est à vous. Le Royaume ? Ils en rêvent, mais il leur faudra du temps pour sortir de leurs idées toute faites et découvrir, au pied de la croix de Jésus, que Dieu nous aime « jusqu’au bout », que nous avons à recevoir en nous, en déblayant notre cœur de tout ce qui l’encombre, la présence de ce Dieu qui nous aime sans limite. On fait comment ? D’abord, on se détache d’une foi qui se contente de directives à appliquer pour un attachement à l’envoyé de Dieu, qui n’est autre que le Fils lui-même. Il ne nous détaillera pas la marche à suivre, il indique seulement la direction à prendre pour être avec lui, « comme » lui. Attention, nous n’avons pas à l’imiter, mais à boire à la même source que lui, alors nous nous découvrirons chaque jour toujours plus « fils » de Dieu et nous saurons agir comme Dieu le souhaite. Avoir reçu suffisamment d’amour dans le cœur pour pouvoir le partager à d’autres, à beaucoup d’autres, « comme » Jésus l’a fait.
Comme si nous doutions que Dieu veut notre bonheur
En fait, nous avons du mal à accepter d’être aimé. La grâce, ce mot si curieux, ne signifie rien d’autre que la gratuité du don de lui-même que Dieu nous fait, lui qui nous connaît dès avant notre naissance. Et cela nous dérange : nous préférons faire par nous-mêmes, comme si nous avions peur de Dieu, comme si nous doutions que Dieu veut notre bonheur. Lorsque nous doutons ainsi de l’amour de Dieu pour nous et pour tous les hommes, assez vite l’autre devient un étranger et nous pouvons nous laisser envahir par la colère, la domination et « le mensonge qui est par excellence le moyen de fuir la réalité du monde et des relations humaines au profit de nos intérêts ou de notre fantaisie ».
Matthieu nous invite à nous libérer de nous-mêmes pour nous placer sous le regard de ce Dieu qui nous habite au plus profond, dans le secret. S’il nous habite, il habite aussi notre prochain, fût-il un ennemi. Avoir confiance, c’est un long apprentissage, celui par lequel nous pouvons appeler Dieu « Notre Père ».
Etre fils est aussi inné qu’on ne le croit ?
L’auteur note qu’il y a des livres si l’on veut apprendre à être père, mais y en a-t-il qui nous apprennent à être des fils ? « Fils ou fille, on l’est littéralement de naissance, et définitivement. Est-ce à dire qu’être fils est aussi inné qu’on ne le croit ? Que cela ne s’apprend pas ? Il me semble que la vie spirituelle, que la vie chrétienne, que le Sermon sur la montagne ne nous enseignent pas autre chose ». Adrien, on va apprendre.
Gérard Marle fc
- CANDIARD, Adrien. Sur la montagne. Éditions du Cerf, 2023, 142 p., 12€
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