« Quelques mots avant l’Apocalypse » par Adrien Candiard op
« Le mot de crise semble trop faible, tant nous l’avons employé en des époques où nous n’avions aucune idée de ce qu’il signifiait. » écrit Adrien Candiard op. Comment le contredire lorsque nous alignons en trois années une épidémie meurtrière, une guerre impensable en Europe et une sécheresse que nous avions réservée à nos petits-enfants ? Tout ce que nous refusions de voir au nom du progrès et de sa marche inexorable.
« Redonner à Dieu une place dans l’histoire du monde » ? se demande Adrien Candiard
Il y a des écrits d’Évangile que l’on ne comprend guère et que l’on met de côté, puis qui retrouvent une pertinence lorsque nous nous trouvons devant un événement inattendu ou particulièrement perturbant. Adrien Candiard, dominicain qui vit au Caire, connu pour ses propos intempestifs sur l’Islam et quelques écrits de la Bible, livre ici son approche du chapitre 13 de l’Évangile de Marc, chapitre qui parlerait de la fin du monde, bref, de l’Apocalypse, livre de fureur et de terreur.
Question tragédie, dit-il, on a connu la chute de l’empire romain en 410, la peste noire en 1348, d’autres périodes encore, on a cru que les derniers jours du monde étaient arrivés, et chaque fois on s’est trompé ! La vie quotidienne a repris, et puis on a pensé que Dieu n’était concerné que par nos vies individuelles, notre salut personnel, qui n’aurait rien à voir avec le tragique du monde, au point de devenir insignifiant. Or ne faut-il pas « redonner à Dieu une place dans l’histoire du monde » ?
Au cœur de notre histoire, de nos comportements individuels
« Ce ne sont pas les événements qui vont nous faire comprendre le texte, mais c’est le texte qui va nous faire comprendre les événements. » Jésus donne quelques éléments pour décoder la fin du monde. D’abord, on n’en sait pas l’heure. Mais on sait une chose, c’est qu’elle est déjà là, cette fin du monde, comme principe qui agit au cœur de notre histoire. Car au cœur notre histoire il y a un amour gratuit qui nous est offert, et qui provoque le rejet, le mépris, la haine même ; en fait, nous avons peur d’être aimé. « Nous désirons tous l’être, bien sûr, et pourtant rien n’est plus déstabilisant que de se savoir aimé. Quand l’amour le plus pur est reçu, il fleurit en joie et en gratitude ; quand il n’est pas accepté, il est proprement insupportable, et on cherche à s’en débarrasser par tous les moyens. Voilà pourquoi la vie du Christ aboutit nécessairement à la croix. »
Bien sûr, nous ne sommes pas responsables d’un tsunami ou d’un tremblement de terre, mais des guerres et aujourd’hui de la crise écologique, oui. Notre négligence personnelle dans la pollution est certes minime mais elle fait système : « Nos choix individuels ne se contentent pas de s’additionner : ils forment par là des structures qui rendent certaines manières d’agir presque inévitables. [Ils donnent à voir] un déploiement du mal et de ses conséquences destructrices. » Si nous voulons sauver le monde du précipice, nous devons revoir nos comportements individuels : « Le premier lieu où je peux envisager de déraciner le mal est ma propre vie. »
Notre mission, la mission des chrétiens, la mission de l’Église, c’est de veiller
La peur, le mal, notre mort et la destruction du monde, c’est là un itinéraire possible. Jésus nous demande de ne pas avoir peur, et de veiller. Il savait que la mort n’a pas le dernier mot, et il a vécu libre de toute peur. Une tradition orientale appelait les chrétiens « ceux qui ne craignent pas la mort » et les moines « des ressuscités ». Au cœur du tragique et des menaces, il y a un amour gratuit reçu, annoncé, refusé, et finalement vainqueur. « C’est ce que nous enseigne l’image de l’enfantement : c’est dans ce monde, et pas ailleurs, que le monde nouveau, celui de la charité et de l’amour, peut prendre naissance ; notre mission, la mission des chrétiens, la mission de l’Église, c’est de veiller de toutes nos forces sur cette miraculeuse gestation. »
Gérard Marle fc
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