Le siècle des égarés par Julia de Funès
La branche traditionaliste catholique revendiquait plus de 15 000 pèlerins au pèlerinage de Chartres à la Pentecôte 2023, fière de revendiquer et d’afficher son identité catholique par le nombre de drapeaux, d’oriflammes, d’uniformes, de soutanes-surplis avec dentelles de préférence, avec camails, barrettes, bures et autres ornements chamarrés du passé.
Une recherche identitaire dans l’air du temps
Cette recherche identitaire est tout à fait dans l’air du temps. Se multiplient les requêtes entre communautarisme et revendications identitaires tant au niveau social que du développement personnel – la ”narcissisation” du moi sur les réseaux sociaux. Le militantisme a, lui aussi, pris une tournure identitaire. Aujourd’hui la classe sociale s’efface au profit de la reconnaissance identitaire. C’est la victoire de l’individu et la compulsion identitaire, le respect des ”fiertés” et des singularités.
L’individualisme généré par l’effondrement graduel des autorités mène directement à l’effervescence identitaire. Si l’individu se retrouve seul face à lui-même, sans autorité transcendante, son identité même se trouve fragilisée. Nous assistons à la démultiplication de luttes, que ce soit sur le plan culturel, sexuel, professionnel, politique, ethnique, religieux, la liste des revendications ne cesse de s’allonger et la ferveur identitaire de se renforcer. Le ”il faut” de la morale traditionnelle a cédé la place à l’injonction ”respecte ce que je suis.”
Pour Julia de Funès, il s’agit de conjuguer à la fois notre liberté et la sécurité
A partir de ce constat, l’autrice reprend les différentes facettes qui surgissent quand on parle d’identité, elle démonte une à une les fausses pistes qui mènent à ce climat de dénonciations, d’affrontements qui embrouille tout débat. Pour elle, il s’agit de conjuguer à la fois notre liberté (ne pas être en proie à des volontés extérieures) et la sécurité (la facilité du chemin balisé par des rôles comportementaux préfabriqués). La tentation, au cœur de chacun, est de fuir sa liberté et de se constituer en zombie d’un modèle préfabriqué, ce qui est plus facile que de se créer soi-même. Choisir le repli identitaire évite l’angoisse d’une existence
authentiquement assumée et d’une liberté sans balise. C’est un faux chemin, une impasse : nous devenons alors la proie de volontés étrangères, de normes comportementales et idéologiques qui nous éloignent de nous-mêmes. C’est une exigence piégée, fléchée, celle du chien et non du loup de La Fontaine dans ses fables.
Pourquoi ce repli dans une ”réserve protégée” pour croyants ?
Ce livre de Julia de Funès nous alerte sur le danger de repli et de contraction dans notre société, et ainsi sur cette recherche identitaire exacerbée d’une partie du clergé et des catholiques français. Aurait-on peur de la liberté au point de ne plus être que des autruches dans une société où l’on a perdu pied ? Pourquoi ce repli dans une ”réserve protégée” pour croyants ?
Et pourtant n’y-a-t-il pas meilleur maître que Jésus de Nazareth pour nous conduire sur les chemins de liberté, comme il l’a si bien fait pour ses disciples ? Lui se présente comme ”Serviteur”, le Chemin, la Vérité et la Vie. Il n’oblige pas, ne condamne pas, il nous engage à marcher sur le chemin, à nous risquer avec lui par choix ; non pour nous endoctriner mais pour nous faire faire l’expérience d’une véritable liberté face à la rencontre de l’autre, des autres sans exclusion, et aussi du Dieu-Emmanuel (Avec moi).
Tout ceci pour nous rendre libres face à nous-mêmes, à notre environnement social et
religieux, à notre société. Libres pour mieux aimer.
A condition de garder l’axe du don et de la croix !
Eric Recopé, fc
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