En parlant d’eau
Parmi les différentes nominations dans des équipes Fils de la Charité, Jean-Pierre Borderon fc a passé 21 ans à Cuba (3 ans à Manzanillo puis 18 ans à Holguin). La question de l’eau potable qu’il faut acheter et conserver constitue une préoccupation majeure au quotidien. C’est l’expérience du manque d’eau qui en démontre l’importance vitale.
Consigne de boire 7 litres en Algérie
Mes premières expériences de manque d’eau, je les ai vécues en Algérie (Novembre 1958 – novembre 1960). Parfois, nous descendions en opération au Sud de Aïn Séfra, dans le désert, vers la frontière marocaine. La consigne était de boire au moins 7 litres d’eau par jour mais souvent nous partions avec deux bidons de 1,5 litres pour la journée sans savoir si on revenait au campement le soir. Alors que les pierres étaient trop chaudes pour les toucher, passer une journée en plein soleil nous déshydratait. Il fallait tenir, boire une gorgée d’eau pour hydrater la gorge alors que le corps réclamait le bidon entier. Généralement, le soir, nous pouvions « récupérer » mais il fallait repartir le lendemain. En une semaine, sur 800 hommes, nous n’étions plus que 200 « valides ». Et je méditais, comme un bon séminariste, sur Jésus, source d’eau vive.
Pour boire à Cuba, il faut puiser cette eau
NB : Jean-Pierre Borderon fc était en équipe à Cuba notamment avec Henri Poittevin fc
Les puits donnent de l’eau salée
St Germain, province d’Holguin à Cuba (Septembre 1983- Septembre 2003) : 25.000 habitants, la plus grosse centrale sucrière de l’île.
Cette partie de l’île a dû se trouver sous la mer plusieurs millénaires. Résultat, les puits donnent de l’eau salée. Des pluies tropicales tombent durant deux saisons. Il peut y avoir plusieurs mois sans averses.
Les maisons sont équipées avec des canalisations pour recueillir l’eau de pluie dans des citernes. Pour boire, il faut puiser cette eau, retenue depuis des jours ou des mois. Elle est bouillie, puis maintenue pendant vingt-quatre heures au repos avant de pouvoir la boire. Le goût n’a rien à voir avec les sources d’eau de nos montagnes. C’est un rythme à suivre mais il est assez astreignant et quand la pluie se fait attendre, il faut rationner sans savoir pour combien de temps.
Les maisons sont équipées de citernes
A Holguin, quartier périphérique, sans adduction d’eau, les maisons sont équipées de citernes. La nôtre, de la capacité d’un camion-citerne, de dix mille litres qu’il faut payer, bien que l’eau ne soit pas potable.
Dans un pays où le plus froid arrive à 20 degrés au-dessus de zéro et le plus chaud passe parfois les 40, on se contente pour la douche d’un demi-seau d’eau : 4 ou 5 litres et on se douche dans une grande bassine pour recueillir l’eau sale qui sert à évacuer les toilettes.
Pour boire, on achète l’eau potable à un « aguatero » : un porteur d’eau qui passe dans les rues et vend au litre. La tournée n’est pas toujours à heure fixe donc toute la rue guette son passage.
Pas de courant, impossible de puiser
Quand il y a des coupures de courant électrique assez fréquentes, les pompes des puits ne peuvent plus fonctionner et j’ai vu des coupures de 24 heures ou plus. Donc pas d’eau et si le courant arrive à deux ou trois heures de la nuit, nous sommes tous en attente pour pouvoir « acheter » l’eau potable. Et s’il y a coupure de courant, cela veut dire aussi que les « frigo » ne fonctionnent pas et que l’eau doit rester à l’abri avec une température élevée.
Sans eau, pas de vie
Et pourtant, en rapport aux pays d’Afrique, d’Amérique Latine ou même d’Asie, à Cuba nous sommes des privilégiés, et ceux qui vivent près des plages, encore plus. Mais il est peut-être plus facile de comprendre l’eau, source de vie, quand on a vraiment vécu avec des manques. Ce n’est plus une notion de manque, c’est un manque physique que vit le corps tout entier qui réclame et fait souffrir.
Jean-Pierre Borderon fc
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