Charles de Foucauld, le frère inachevé par Margarita Saldaña
“El Hermano inacabado, Carlos de Foucauld
Charles de Foucauld est-il ce « petit frère universel » idéalisé que nous croyons connaître
ou le « frère inachevé » tel que l’annonce le titre même du livre de Margarita Saldaña Mostajo ? Inachevé, c’est-à-dire en chemin ; la sainteté serait donc un processus plutôt qu’un produit fini et inaccessible pour le commun des mortels.
Margarita Saldaña Mostajo appartient à la famille spirituelle de Charles de Foucauld, et
même à sa première mouture. Dans ce livre, non encore traduit, elle revient sur l’itinéraire de Charles de Foucauld, vie de jeune orphelin adopté par des grands-parents très attentionnés ; formation d’officier qui le conduit en Algérie puis en exploration au Maroc ; conversion en l’église Saint Augustin (Paris) et son passage à l’abbaye Notre Dame des Neiges située en Ardèche ; présence chez les Clarisses de Nazareth ; temps à Beni-Abbès et pour finir à l’ermitage de l’Assekrem au sud de l’Algérie dans les montagnes du Hoggar. À chaque étape correspond une « exploration » nouvelle, un autre type d’activités, une approche plus affinée de son chemin spirituel.
Charles de Foucauld se réapproprie la foi chrétienne
Né dans un catholicisme fervent, l’adolescent a tout rejeté pour mener une vie d’enfant prodigue, qu’il trouva vite ennuyeuse. La rencontre avec l’abbé Huvelin a levé quelques
obstacles de compréhension de la foi chrétienne, et l’immense respect que Charles de Foucauld a trouvé dans sa famille où il ne s’est jamais senti jugé lui ont permis de se réapproprier la foi chrétienne encombrée mais jamais oubliée. L’abbaye qui l’a accueilli quelques années lui offrit des livres et aussi une communauté, un style de vie fait de travail, de prière et de vie communautaire ; Charles de Foucauld s’y préparera à la prêtrise.
« Une seule chose est nécessaire, faire la volonté de Dieu. »
Charles voulait imiter le Jésus de Nazareth tel qu’on l’imaginait en ces temps-là, vie « cachée » faite de grande pauvreté, de cette abjection qui est réservée à la toute dernière place. Mais ce toujours « plus » bas n’était-il pas en fait une recherche de lui-même ? Or Jésus et sa famille ont plutôt mené une vie « ordinaire », ont partagé la condition des gens du village sans autre excès. Charles de Foucauld se libéra de cette préoccupation de lui-même pour désormais se remettre devant la seule question qui comptait : que veut-Il de moi ? C’est à Sa volonté que je dois me rendre. « Une seule chose est nécessaire, faire la volonté de Dieu. » Même sans voir trop clair, il savait décider.
Une réelle évolution au fil de ses écrits
Les nombreuses lettres que Charles de Foucauld a laissées montrent une réelle évolution. Lui qui donnait beaucoup de temps à la prière et l’adoration devant le tabernacle dut consacrer plus de temps à accueillir des visiteurs toujours plus nombreux : « faire le bien d’abord » écrivait-il. L’immense travail accompli pour traduire la langue des Touaregs aura réduit ses horaires consacrés à la prière et au travail manuel auxquels il tenait tant. Sa pratique de l’hospitalité elle-même s’est déplacée, passant de l’accueil chez lui à la visite chez eux, et de ceux qui étaient des voisins à ceux qui étaient les plus loin et qui ne voyaient personne. Il est passé du service rendu à l’acceptation d’être aidé en retour, du travail de pionnier à la volonté de mêler d’autres personnes et notamment sa famille à sa mission, faute d’avoir pu entraîner avec lui des disciples.
Il avait encore du chemin à faire, ajoute argarita Saldaña Mostajo ; ainsi, s’il a racheté un jeune esclave, s’il a tissé de forts liens d’amitié avec quelques Touaregs, s’il accueillait tous ceux qui se présentaient, justifiant sa réputation de « frère universel », il partageait la notion d’une colonisation qui apporte la civilisation et ferme les yeux sur le mépris et l’oppression.
Nous avons les mêmes défis et les mêmes ressources spirituelles, nous avons à mettre en
œuvre ce qu’il appelait « la pastorale de la bonté ».
Gérard Marle fc
- El hermano inacabado, Margarita Saldaña MostajoEdition, Sal Terrae, 2022 – non encore traduit
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