Vie Consacrée
Témoignage de José Rodier fc
Le père José a fait profession religieuse le 2 novembre 1958. Il a passé presque toute sa vie de Fils de la Charité en Espagne, dans la banlieue populaire de Madrid où il réside encore actuellement. Humilité, confiance et pauvreté sont les mots clés de son engagement auprès du peuple et dans l’Eglise.
Une humble confiance
Paris en vélo
Parler de la vie religieuse chez les “fils” m’oblige à parler de la ville où je suis né, Paris, et des quartiers où j’ai vécu mon enfance et ma jeunesse. Très jeune j’ai manifesté un certain désir de Dieu et mon rêve était de pouvoir être “enfant de chœur” à la Cathédrale Notre-Dame. C’est dans ce cadre que j’ai découvert l’Eglise et le Christianisme : ses misères et ses merveilles.
Vers l’âge de 12 ou 13 ans, je me suis éloigné de cette Eglise pour différents motifs. Je peux parler d’une grande déception.
A la même époque mon père m’a proposé de visiter Paris en vélo, chaque dimanche matin. Il m’a fait découvrir de nombreuses églises et ce qu’il appelait : « les richesses spirituelles de cette ville ». Le silence et les chants des Bénédictins, rue de la source, m’impressionnaient. Mon père n’était pas un homme d’Eglise mais il avait un tempérament d’artiste et une fibre religieuse.
Ma question d’adolescent était : « Comment cette Eglise de Paris peut rejoindre les interrogations et la vie toute simple des voisins et amis du quartier ? ». Dans notre immeuble de la rue Saint Martin, une seule personne fréquentait l’Eglise voisine (Saint Merry).
Elève au lycée Charlemagne, j’ai eu la chance d’avoir comme professeur d’histoire : Olivier Clément. Il y faisait un remplacement l’année même où il fut baptisé dans l’Eglise russe orthodoxe de la rue Daru (en 1952). Il me fit découvrir la beauté du christianisme et le mystère de la Foi vécue comme une « humble confiance ». Pour respecter la laïcité, il nous parlait à la sortie du lycée, au métro Saint-Paul.
« Une sainteté parisienne »
A la même époque, une pauvre femme du quartier, « marchande des 4 saisons » rue Saint Antoine me parle de son « grand-père ». C’était le bon Père Anizan ! (Merci Emilienne !)
Une amie de ma sœur me parle du XIIIème arrondissement, Ivry et de Madeline Delbrêl ! Je découvre une Eglise pauvre, capable de rejoindre la vie des gens tout simples. Les petites gens de Charles Péguy et Victor Hugo.
Timide et tremblant je décide d’entrer au grand séminaire de Paris (en 1954). Lors d’une classe de spiritualité, un sulpicien (le Père Grison) nous présente la vie et l’œuvre du Père Anizan ! Il intitule la causerie : « une sainteté parisienne » ! “Dans cet immense Paris on en fait jamais assez” (Anizan lettre du 21/10/1893). Un peu plus tard, sans connaitre les “Fils”, j’achète le livre des lettres. Oui, me disais-je, on peut être prêtre et religieux au cœur de cette ville où s’affrontent l’abîme du rejet de Dieu et l’abîme de la beauté de l’Evangile.
Face à l’immensité et la dureté de la tâche je ne conçois pas le sacerdoce sans l’appui de l’appui de la vie religieuse : c’est-à-dire une communauté (avec des laïcs et des religieuses).
En 1957 et 1958 j’entre au Noviciat des « Fils » et le bon Père Duchesnne nous fait découvrir l’humilité de la Foi et la confiance inconditionnelle. « José, tu ne vas pas convertir Paris, mais me dit-il, patience, sois confiant, tu n’es pas seul… ».
Etre ouvrier de vie éternelle
En 1964 mes supérieurs me demandent de partir pour Madrid ! Pour être formateur de futurs jeunes Fils Espagnols. J’accepte et je découvre cette belle ville (bien différente) et je réside dans ce quartier bien populaire de Vallecas, au sud de la capitale. Sébastien Quetglas, Michel Goison et les prêtres diocésains du secteur m’accueillent d’une façon que je ne peux oublier.
Je parle à peine l’espagnol mais je prends conscience que comme prêtre, religieux, il s’agit seulement d’être porteur du désir de Dieu pour ces jeunes et ce peuple du Vallecas. « Humble confiance » partagée entre religieux et laïcs.
Aujourd’hui, je viens d’avoir 80 ans, toujours présent dans cette banlieue sud de Madrid. Avec mes frères « Fils, le prêtre du secteur, les Laïcs et bien des gens tout simple nous essayons ensemble d’être fidèle à Dieu et à ce peuple que nous aimons. Je remercie Dieu de ce que j’ai vécu et de ce que je continue à vivre chaque jour.
Je ne sais si j’ai été un bon prêtre, un bon religieux, un bon formateur, mais je n’oublie pas la consigne du Père Anizan « Etre ouvrier de vie éternelle ». Merci au Père Anizan, merci à la Famille des Fils. Je me repose la question du jeune adolescent : « comment refaire la communication entre le Dieu de Jésus et ce peuple si divers de la grande cité ? ».
Ensemble avec mes frères Fils et tant d’apôtre laïcs nous avons trouvé un chemin… à d’autres de continuer. Si j’avais 29 ans, je recommencerai, mais plus humblement !
José Rodier fc
Un grand merci José RODIER pour ce magnifique petit livret, édité en février 1991, qui ne m’a jamais quitté et m’a été fort utile en maintes occasions: “Ouvrir un chemin de lumière, avec l’aide de Jean de la Croix”: une vraie perle! Bien cordialement, Michel