Piaget-Lip, avant-pendant-après par Joël Mamet
Joël Mamet dresse une biographie de Charles Piaget, leader incontesté de l’horloger Fred Lip
Lip-Sa était une société horlogère de Besançon, très florissante et innovante, devenue sous la houlette de Fred Lip le premier horloger de France, soit 1 500 employés, 300 000 montres par an. Toujours seul et se voulant à la pointe, Fred Lip, trop individualiste et isolé, ne peut s’adapter au marché horloger en pleine évolution avec l’arrivée du quartz qu’il n’avait pas vu venir.
En 1971 Fred Lipmann sera remercié par les actionnaires, et écarté de l’entreprise créée par son grand-père et pour laquelle il s’était battu toute sa vie. En 1973, LIP présente les premières montres à quartz “Made In France”, mais il est trop tard. L’entreprise dépose le bilan. Le plan de licenciement général déclenche une grève et de grandes manifestations. Malgré plusieurs essais pour remettre l’entreprise à flots, LIP est liquidée en 1977. Les employés entament une lutte qui fera émerger de nouvelles pratiques dans ce combat pour l’emploi.
Charles Piaget, un leader incontesté
Très vite Charles Piaget est apparu comme un leader incontesté dont le charisme a galvanisé les troupes. Et pourtant cet excellent outilleur passionné par son travail de grande précision n’avait aucune attirance pour la vie militante. Abandonné par sa mère dès sa naissance, il perd son père à 15 ans, âge où il aimait traîner avec ses copains. Il est alors adopté par une famille d’origine italienne très proche de son père. À leur contact il découvrira un christianisme ouvert. Il se marie à 25 ans avec Annie, amie de la famille, dont il aura six enfants ; avec elle il participera pendant plus de 20 ans à une équipe d’ACO. Comme beaucoup d’autres, avec l’aide de sa famille et ses amis il se construit une maison pour héberger sa tribu, sans oublier le jardinage pour la nourrir.
Chef d’équipe, puis contremaître, puis chef d’atelier
Excellent professionnel, il deviendra chef d’équipe, puis contremaître, puis chef d’atelier. Son beau-frère, délégué CFTC, l’ouvre au syndicalisme et il y prendra sa carte en précisant « Je voulais bien être syndiqué parce que j’étais sensible à l’injustice, et donc je voulais prendre ma part dans ce combat en prenant une carte et en participant à des actions, pourquoi pas. Mais sans rien d’autre. Sans responsabilités. » Et pourtant, il sera embarqué presque malgré lui.
Charles Piaget, un pivot syndical et facilitateur d’action intersyndicale
De fil en aiguille, par son humilité, sa capacité d’écoute, sa droiture, sa détermination, Charles va devenir un pivot syndical et facilitera aussi une forte action intersyndicale. Très exigeant vis-à-vis de lui-même, menant une vie d’ascète, il répond à la confiance de ses camarades. Ouvert à tous il permettra l’expression des uns et des autres dans les assemblées générales et conduira des actions d’un autre type.
Confronté aux médias et à de nombreux responsables syndicaux et politiques
Durant dix années (1973-1983) il se donnera sans compter à la lutte des LIP. Il sera ainsi confronté aux médias et à de nombreux responsables syndicaux et politiques. Effet collatéral, cette lutte conduira un groupe « maoïste » à s’auto-dissoudre, car « quelle utilité de se croire l’avant-garde du prolétariat quand celui-ci sait de lui-même faire son chemin ? » C’est à lui que pensent des responsables du PSU et d’autres mouvements d’extrême gauche comme candidat aux présidentielles ! Mitterrand emportera la mise.
Vie de famille et vie militante
Au décès de sa femme en 1982 Charles culpabilisera de lui avoir laissé la lourde tâche de la vie du foyer et surtout d’élever ses six enfants en son absence à cause de sa vie militante. L’année suivante, épuisé, il part en pré-retraite. Il se fera plus proche de ses enfants.
Dix ans plus tard il s’engage à nouveau dans la lutte contre le chômage.
Jusqu’à son décès en novembre 2023.
Éric Récopé fc
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