Nos 7 péchés capitaux par Benoist de Sinety
La fraternité : seule politique possible
Du titre ou du sous-titre, manifestement l’auteur de ce livre préfère le second. Benoist de Sinety, aujourd’hui curé à Lille, offre une compilation de chroniques qui ont toutes la fraternité comme fil rouge, comme seule politique possible. Parce qu’elle est une donnée de nos existences ; que nous le voulions ou non nous sommes frères et soeurs. Ainsi celui-là ne veut plus de migrants dans sa ville mais s’il en voit un qui dort dans la rue, il ne renoncera pas à lui apporter une couverture.
« Quoiqu’on en dise, il y a ça dans notre coeur : ce refus de se résigner à ce que l’autre meure devant moi. Cette solidarité dans la vie, qui fait que je me sens profondément en lien avec celui qui souffre, avec celui qui pleure, avec celui qui se perd. On l’appelle aussi la “fraternité” sans très bien savoir la définir »
Benoist de Sinety croise ses convictions
Tout au long de ses pages l’auteur croise ses propres convictions, ses rencontres de terrain et des épisodes bibliques autour de sept questions, l’individualisme, la violence, la parole donnée, le débat, puis la laïcité revue et corrigée, l’avenir de la planète et les catholiques. Cet ensemble de textes se lit aisément.
On peut commencer par ce qu’il dit de la laïcité : « elle était un cadre, elle est devenue le tableau. »
Effacement généralisé des religions dans l’espace public
En d’autres termes, Aristide Briand en avait fait une loi de liberté, les religions pouvaient s’exprimer publiquement, il fallait
seulement donner un cadre à cette expression publique, ainsi la liberté de conscience, de croire ou de ne pas croire ou de changer de religion, l’égalité entre les religions, l’autonomie de l’État ; il offrait un cadre donc. Or la loi de 2004 donne à voir une tout autre approche : suite aux recommandations du rapport Stasi, elle interdit les signes religieux dans les écoles ; il ne s’agit plus d’un cadre, de comportements à respecter mais d’un lieu où désormais l’expression publique des religions est refusée, et qui ouvre la porte à d’autres lieux où elle peut être remise en cause, comme à l’hôpital public par exemple. Cet effacement, bien réel, conduit
à une méconnaissance, et donc à des raidissements qui peuvent devenir violents, le contraire du débat et du « vivre ensemble » ; l’individualisme entretient cette indifférence à l’égard de l’autre, des autres. La peur de l’Islam a certes contribué à cet effacement généralisé des religions dans l’espace public.
Pour partie seulement. Des chrétiens y contribuent eux aussi, en se méfiant du monde qui les ignore ; ils se replient sur leurs propres questions (le droit à la messe en plein Covid) plutôt que chercher à trouver les meilleures façons pour tous de vivre ce temps d’épidémie. Ils sont nombreux aussi à donner le sentiment qu’ils ont la vérité, qu’ils savent, qu’ils sont meilleurs que les autres, mais en fait on ne les entend pas ; de plus, ils ne savent plus parler aux gens qui ne sont pas comme eux, et pire, aux gens croyants comme eux et qui se sont éloignés des communautés chrétiennes, parce qu’ils ne s’y sentaient pas aimés.
Benoist de Sinety plaide pour une Eglise hospitalière.
Tous nous avons besoin de chercher ensemble, d’entendre une parole chaleureuse, encourageante, bienveillante : ce monde cache de grandes solitudes, il faut réapprendre à parler aux autres, et peu importe qu’ils soient ou non dans les clous de nos lois religieuses, ils sont d’abord des frères et des soeurs et c’est là l’essentiel. C’est l’amour qui est exigeant et non la loi. La seule manière de rayonner dans un monde qui l’ignore, c’est la charité en parole et en acte.
Le fils de la charité que je suis se souvient de cette parole du père Anizan, fondateur de son institut, parole d’une immense actualité :
« Si le monde est sauvé, ce sera par la charité. »
Gérard Marle fc
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