Danser en plein seisme par Robert Scholtus
Ou l’énergie de la foi
Dialogue avec la culture contemporaine
Robert Scholtus est écrivain et homme d’action. Prêtre, il fut supérieur du séminaire universitaire des Carmes durant plusieurs années, il ne conçoit pas son rôle en dehors du dialogue avec la culture contemporaine. Ce livre rassemble des écrits publiés dans différentes revues et que la pandémie valide. Moment sans précédent que cette crise sanitaire ; vécue
« comme un festival d’incertitudes, elle nous met radicalement en demeure non pas de croire en ceci ou cela mais d’oser prendre le risque de vivre en situation de non-savoir et de danser en plein séisme. Il s’agit de consentir à l’inexorable effondrement des croyances pour croire à l’éternelle nouveauté de l’Évangile et s’inscrire résolument dans une dynamique des commencements ».
Regard de Robert Scholtus sur l’Eglise
« Une crise est faite pour qu’on en sorte. Et pour s’en sortir, il faut sortir. » L’auteur n’est pas d’une lecture facile, certains pourront le trouver sévère sur l’Église lorsqu’il parle d’un catholicisme de brocante empli de bondieuseries poussiéreuses, qui ne dit plus rien, qui ne parle plus, qui ne sait plus se faire entendre. Mais en même temps, il la voit « sortir de ses ornières dogmatiques, de ses obsessions morales, de ses silences coupables pour ouvrir de nouveaux espaces à Dieu ». Il la voit se renouveler et s’enrichir à la faveur de son incessante conversation avec la culture contemporaine ; il parle à ce sujet du « sensus infidelium » aussi précieux que le « sensus fidei » des chrétiens.
Etablir des ponts
Robert Scholtus n’a pas une pensée « binaire », celle qui fait s’affronter deux pôles, les dévots tradis et les agités. Si l’on veut dialoguer avec le « monde », il faut commencer par apprendre à dialoguer en interne, dans l’Église où règne une indifférence désabusée à l’égard des « autres ».
Nous devons établir des ponts qui, eux, construisent la paix. Ces ponts sont toujours fragiles et vulnérables, suspendus au-dessus du vide, c’est cette fragilité partagée qui nous unit les uns aux autres. Fragiles et beaux à la fois, qui recréent la beauté perdue d’un paysage. Au Moyen Age, certains ponts étaient habités, comme à Florence.
« Il faut être sur le pont, comme disent les marins, pour ensemble front à la tempête qui secoue notre monde. Le pont est désormais notre résidence. »
Qu’est-ce à dire ? La rencontre, le dialogue, c’est-à dire le débat, exigent de la rigueur. Que faisons-nous dans une société individualiste sinon de réagir avec nos sentiments, les confortant sur les « réseaux sociaux » dans un entre-soi ravageur ? Or il faut comprendre ce qui nous arrive. « Ne pas rire, ne pas pleurer, ne pas maudire, mais comprendre » écrivait Spinoza dans son Traité politique. Nous ne rions pas, nous ne pleurons pas, nous ne maudissons pas mais nous voulons comprendre, par amour de la vérité, pour que la vie nous soit donnée.
Besoin de vie
Ce n’est pas de sens dont nous avons besoin, mais de vie. Besoin de faire confiance à ce souffle imprévisible, à l’Esprit que le Ressuscité a reçu du Père et qu’il envoie sur les Douze disciples anéantis. Père, Fils et Esprit, Ils sont trois, comme souvent dans l’Église, comme les trois portes d’entrée dans les cathédrales. La pensée binaire n’est pas notre tradition, il y a toujours entre moi et l’autre cet Autre qui met à distance nos certitudes et nos peurs, qui nous rend hospitaliers à l’inédit et aptes à trouver dans l’amour une activité suffisante. La parole est un acte d’amour, elle crée de la présence.
Ainsi, croire, c’est naître. C’est entrer avec la force d’une vie toute neuve dans un monde imprévisible. C’est apprendre très vite à communiquer, à créer de la rencontre joyeuse et pas compliquée. C’est bouger ce monde par des paroles fraternelles, elles ont la force de la poésie et la légèreté de la danse.
Gérard Marle fc
0 commentaires