Le Catholicisme autrement par Ghislain Lafont
Ghislain Lafont écrit sur ce auquel il tient profondément
Ghislain Lafont a terminé son voyage sur terre le 10 mai 2021 à l’âge de 93 ans. Moine de la Pierre-qui-Vire dès l’âge de 17 ans, professeur à Rome, il a accompagné l’institut des Fils de la Charité durant de longues années. Dans son dernier livre, écrit comme un testament puisqu’il parle en « Je », il ne craint pas d’écrire ce à quoi il tient profondément. « Le catholicisme autrement ? » Le Cerf 2020, reprend de longues études précédentes sur l’Église.
Prend au sérieux une refonte de l’Eglise
Ce livre a reçu un accueil poli, que l’on réserve à des anciens qui ont une grande culture, livre à contre-courant comme le pape François peut l’être, et qui prend au sérieux le bouleversement apporté par le concile Vatican II. Il s’agit non d’une réforme qui supposerait un nettoyage pour revenir à des schémas antérieurs, mais d’une « refondation » : il ne fait pas le procès du passé, il réinterroge les textes et les pratiques. Ce que fait la tradition juive d’ailleurs : selon le rabbin Delphine Horvilleur, nous devons « relire » à frais nouveaux. « Un héritage qui cesse d’être interrogé meurt. Le questionnement des sources et des rites, loin de tout dogmatisme, constitue peut-être la religion véritable. Le sens renouvelé d’un texte constamment revisité constitue sa seule lecture fidèle. »
« L’Amour est le premier nom de Dieu »
Le moment de la liturgie reste celui par où se transmet éminemment la mémoire du Dieu que l’on célèbre, pour nous celui de « l’Amour désarmé » écrit Ghislain Lafont, celui d’un amour miséricorde qui déborde de partout dit le pape François. Résolument, parce qu’ils sont inaudibles, nous devons sortir du discours de la « puissance », celle d’un Dieu tout puissant et d’une Église qui évolue sur ce même registre : puissance de Dieu créateur et vite contrarié par le péché, puissance du Christ et de son « sacrifice expiatoire », puissance des sacrements et puissance triomphante des Derniers Jours ; logique de puissance que nous retrouvons immanquablement dans le fonctionnement de l’Église, dans le cléricalisme tant dénoncé par le pape François. S’il est un sacrifice, il est celui du Christ qui a aimé les siens jusqu’au bout. Amour désarmé qui n’impose rien, qui grandit celui et celle à qui cet Amour s’adresse. « L’Amour est le premier nom de Dieu ». Le salut est accompli, une fois pour toutes et l’Esprit est répandu en abondance sur toute chair ; nous sommes en chemin vers la Vie, tous, voilà le mystère longtemps caché et désormais révélé.
Ghislain Lafont interroge quelques-unes de nos pratiques d’Eglise
Par le baptême nous sommes plongés dans cet amour en excès pour rejoindre une communauté de disciples appelés à façonner malgré les échecs un monde de fraternité. Si le Christ est présent dans l’eucharistie, c’est pour que cette communauté devienne vraiment Corps du Christ : « Il nous faut passer de la consécration à la communion ». La mission du prêtre ne s’arrête pas à la célébration de l’eucharistie, son ministère est un ministère de pasteur par la relecture de la Parole et par une gouvernance qui font une communauté édifiant une fraternité universelle.
En dernière partie, Ghislain Lafont interroge quelques-unes de nos pratiques d’Eglise et fait quelques propositions, notamment sur la place du prêtre dans les communautés chrétiennes.
« Au fond, la question est de savoir quelle idée on se fait du prêtre : est-il un personnage sacré, hiérarchique, jouissant de pouvoirs exceptionnels, étant d’une autre essence que le reste des chrétiens ? Ou bien est-il, à l’intérieur de l’Église, le serviteur modeste et décidé d’un charisme reconnu et ordonné, qui continue dans le peuple de Dieu la direction de la mission instaurée par Jésus et instituée par l’Esprit ? »
Ghislain Lafont, le moine modeste parce que d’une grande culture, m’aura accompagné jusque-là.
Gérard Marle fc
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