La blessure et la grâce par Gabriel Ringlet
Un des plus beaux chants de la littérature mondiale
« En 597 avant l’ère chrétienne, Nabuchodonosor, roi de Babylone… Dix ans après sa première invasion, il revient à Jérusalem et assiège la ville en 587, jusqu’à ce qu’elle tombe pour la seconde fois. Le nouveau désastre prendra des proportions bien plus hallucinantes encore que la première fois… Un poète qui a survécu au drame se remémore les événements tragiques qu’il a traversés et tente de les comprendre. » Alors j’ai lu les cinq Lamentations de ce poète qui suivent le livre de Jérémie, « un texte d’une beauté tragique intense, un des plus beaux chants de la littérature mondiale », n’hésite pas à dire la Traduction liturgique de la Bible. Au centre, cet acte d’une foi éprouvée : « Les bontés du Seigneur ! C’est qu’elles ne sont pas finies ! C’est que ses tendresses ne sont pas achevées ! Elles sont neuves tous les matins. » (Lamentations 3)
Six cents ans après l’auteur des Lamentations, Jésus arrive de nulle part
« Et voici que vient un Galiléen. ‘Un villageois tout ordinaire, avec un accent qui ferait rire en ville, pense le poète Jean Grosjean, si ce qu’il disait ne tombait de si haut’… Six cents ans après l’auteur des Lamentations, Jésus arrive de nulle part, dans un monde tout aussi bouleversé qu’à l’époque des invasions de Nabuchodonosor. Après un long silence où il passait son temps à travailler le bois et à équarrir les charpentes, il n’arrive plus à contenir la tendresse qui bouillonne à l’intérieur et se met à déborder… »
Gabriel Ringlet témoigne de la tendresse de Jésus
C’est de cette « tendresse » que témoigne ce prêtre, universitaire, écrivain, artisan des mots d’une tendresse racontée de la naissance à la mort. Méditation d’un bout de phrase des Évangiles, soixante commentaires de trois pages, et en finale « le poème des Béatitudes ». Juste ce qu’il faut pour ouvrir ce livre de Gabriel Ringlet cinq minutes chaque jour et être un moment avec Celui qui a endossé notre histoire pour toujours – n’est-il pas l’unique parmi les divinités à l’avoir fait ? « Ce Tendre de l’Évangile, s’il revendique une proximité particulière avec Celui qu’il appelle ‘Père’, c’est bien d’un Père fragile dont il parle, souvent caché, parfois énigmatique, que nul ne peut récupérer ni imposer. »
25ème livre à ce jour, de Gabriel Ringlet
Dans ce livre, le vingt-cinquième à ce jour, Gabriel Ringlet réussit une fois encore à rendre savoureux et tonifiants des textes mille fois lus et écoutés. Ce sont là des récits que peuvent entendre celles et ceux qui n’ont pas les mots de la tribu et dont le chemin peut être loin des confessions de foi habituelles. Que dit-il par exemple de laSix cents ans après l’auteur des Lamentations, Jésus arrive de nulle part, ? Non pas seulement l’extraordinaire fécondité du lac et l’enfoncement des barques, ni même l’effroi de Simon-Pierre, mais plutôt la géographie d’un chemin : au premier verset, Jésus se tient « au bord du lac », juste après il monte dans une barque et demande à Pierre de « s’écarter du rivage », pour enfin lui demander « d’avancer au large ». En quelques lignes l’Évangile trace un étonnant chemin : être proche, s’éloigner, s’enfoncer. « Un peu comme si la parole naviguait entre avoir pied et perdre pied. » Qui n’a jamais perdu pied ?
Aimer, « c’est reconnaître ce qu’il y a dans l’autre et qui le dépasse »
Quant à nos amours, ou plus prosaïquement nos relations, l’auteur du livre c’est-à-dire Gabreil Ringlet, cite le poète Jean Grosjean lorsqu’il constate que les disciples de Jésus « n’ont guère de sympathie les uns pour les autres » : il y a là des fils de bonne famille, ceux qui tiennent peu à l’étiquette mais à l’occasion sont jaloux, un maquisard nationaliste et un percepteur d’impôts collaborateur. « Quand Jésus a choisi ses disciples, il les a choisis incompatibles. » Ce qui les unissait, c’est l’attachement que chacun avait pour Jésus, et qui échappait à tous. Aimer, « c’est reconnaître ce qu’il y a dans l’autre et qui le dépasse ». Bien vu, non ?
Gérard Marle, fc
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