Alexandre Josse (1877-1945) : le discret “fils premier-né” du père Anizan
Membre pilier de la congrégation et fils spirituel du père Anizan, la figure d’Alexandre Josse peine pourtant à se distinguer de celle du fondateur. Humble et discret, dévoué au père Anizan, ce Fils resté dans l’ombre sut trouver sa propre voie pour vivre pleinement son apostolat. Le fonds d’archives personnel d’Alexandre Josse permet de retracer sa vie et de l’approcher dans toute son individualité.
Jeunesse et formation
Alexandre Marie Josse naît le 6 août 1877 à Quelneuc, dans le Morbihan. Issu d’une famille paysanne, il n’est âgé que de trois ans lorsqu’il perd successivement en 1880 sa mère et quatre de ses frères et sœurs. Il entre en 1892 au petit séminaire Notre-Dame des Carmes de Ploërmel. Il y rencontre en 1896 le père Anizan, alors premier assistant des Frères de Saint-Vincent de Paul, qui y réalisait un séminaire pour une tournée des vocations.
Photographie des élèves du petit séminaire de Ploërmel (vers 1892-1986, archives des Fils de la Charité, 2E06/03)
L’année suivante, en 1897, il achève ses études secondaires et entre au noviciat des Frères de Saint-Vincent de Paul. Il perd son père, Pierre Josse, en 1898. Le père Anizan l’accueille à Paris et l’installe au noviciat, qu’il réalise sous la direction du père Georges Bellanger, qui eut une grande influence spirituelle sur le jeune homme. Il fait ses premiers vœux en 1901. Alexandre Josse étudie également à Rome et est reçu à deux doctorats, en philosophie en 1901 et en théologie en 1904. Il prononce ses vœux perpétuels en 1902, il est reçu diacre puis ordonné prêtre en 1903.
Lettre d’ordination d’Alexandre Josse (1903, archives des Fils de la Charité, 2E06/08)
L’impossible ministère
Le père Josse commence son apostolat au Cercle Montparnasse. Cependant, il apparaît rapidement que sa grande timidité ne lui permet pas de tenir un ministère ou d’être en charge d’oeuvres ou d’un patronage. Il se consacre à d’autres activités qui conviennent mieux à sa personnalité : il s’investit notamment au sein de l’Union des Œuvres et occupe la fonction de socius des novices à Tournai. C’est en 1914 que le père Josse s’illustre par son dévouement et son soutien indéfectible envers le père Anizan lorsque ce dernier est déposé de sa charge de supérieur général des Frères de Saint-Vincent de Paul. Alexandre Josse est un des premiers à demander une dispense des vœux et à quitter la congrégation. Il reste proche du père Anizan toute sa vie, ce dont témoigne l’abondante correspondance entre les deux hommes.
Carte de visite du père Josse comme secrétaire de l’Union des Œuvres (sans date, archives des Fils de la Charité, 2E06/02)
Pendant la guerre, Alexandre Josse reste en contact étroit avec le père Anizan et ses soutiens, notamment Yves Allès et Charles Devuyst. Ce dernier est par ailleurs un proche du père Josse, avec qui il échange de nombreuses lettres entre 1903 et 1926.
Lettres de Charles Devuyst à Alexandre Josse (1903-1915, archives des Fils de la Charité, 2E06/07)
Lettre du 24 avril 1915 d’Alexandre Josse à Charles Devuyst (1915, archives des Fils de la Charité, 2E06/11)
Alexandre Josse est mobilisé dans un hôpital auxiliaire de Paris et occupe un rôle central et de coordination au sein de l’Union des Œuvres, et il réside au Bureau central. Il participe également à l’Œuvre du Rosaire-Vivant des soldats. Il reçoit en 1919 la médaille commémorative 1914-1918 de la Société française de secours aux blessés militaires de la Croix Rouge française, décernée à ceux qui, pendant la guerre, « ont prêté à la Société un concours personnel actif et désintéressé ».
Lettre d’accompagnement d’une médaille de la Croix-Rouge décernée à Alexandre Josse (1919, archives des Fils de la Charité, 2E06/11)
Un des premiers Fils de la Charité
Dès la sortie de la guerre, le père Anizan fonde la congrégation des Fils de la Charité. Alexandre Josse est un des premiers religieux à l’intégrer. Il fait son noviciat dans le presbytère de Notre-Dame Auxiliatrice de Clichy, dont le père Anizan est curé. Il prononce ses vœux temporaires en 1920 et ses vœux perpétuels en 1925. Il occupe plusieurs fonctions au sein de la congrégation : il est successivement élu deuxième assistant de 1921 à 1925, secrétaire entre 1925 et 1931, puis troisième assistant entre 1931 et 1943.
Confesseur et directeur spirituel
En parallèle, le père Josse se tourne vers la confession et la direction spirituelle. Confesseur ordinaire du noviciat, il est également attaché aux Auxiliatrices de la Charité, une congrégation féminine fondée en 1926 par le père Anizan et Thérèse Joly. Alexandre Josse est alors le bras droit du père Anizan dans cette fondation, en étant le directeur spirituel et le confesseur des Auxiliatrices. Après le décès de celui-ci, Alexandre Josse se consacre encore davantage aux Auxiliatrices, ses « chères enfants », avec lesquelles il tisse un lien durable.
Rapport d’Alexandre Josse au Père Devuyst, supérieur de la congrégation, sur les Auxiliatrices (1928, archives des Fils de la Charité, n°1903)
Lettres d’Alexandre Josse aux Auxiliatrices de la Charité (1931-1936, archives des Fils de la Charité, n°1903)
Décrit comme étant un prêtre plein de bonté, pieux, sérieux et dévoué, le père Josse était un directeur spirituel et un confesseur particulièrement apprécié et sollicité des paroissiens. De nombreuses femmes sous sa direction, ou ayant été confessées par le père Josse, s’accordent unanimement sur ses qualités humaines et spirituelles et sur l’influence positive qu’il eut sur leurs consciences.
Lettres d’Alexandre Josse à une de ses dirigées (vers 1924-1925, archives des Fils de la Charité, 2E06/12)
La spiritualité du père Josse
Les fonds conservent des notes et carnets écrits par Alexandre Josse tout au long de sa vie. Ils permettent d’approcher sa spiritualité à travers ses carnets d’écrits personnels, ses carnets de retraite, ses notes de lecture et diverses images et souvenirs conservés.
Le père Josse avait notamment une dévotion particulière envers la Vierge et signait toujours de ses deux prénoms, Alexandre Marie. Cette dévotion mariale, transmise par le père Bellanger, n’a pas quitté le père Josse toute sa vie. Ce dernier était également très attaché à l’importance de l’eucharistie, et s’efforçait de transmettre la haute opinion qu’il en avait.
Carnets de notes manuscrites du père Josse (1901-1942, archives des Fils de la Charité, 2E06/04)
Notes de lecture d’Alexandre Josse (sans date, archives des Fils de la Charité, 2E06/04)
Les dernières années
Malgré son départ vers la région parisienne, le père Josse a maintenu un lien avec sa famille proche, restée en Bretagne. Sa correspondance des années 1930-1940 montre qu’il écrivait à son frère Joseph, à un neveu homonyme et son épouse Marie, ainsi qu’à un cousin également prêtre, l’abbé Rocher.
Lettre du 1er octobre 1942 d’Alexandre Josse à son frère Joseph (1942, archives des Fils de la Charité, 2E06/02)
Durant la Seconde guerre mondiale, après que la Gestapo ait emmené deux prêtres de l’Union des Œuvres et mis sa chambre sous scellés, le père Josse dut vivre au Bon Pasteur et poursuivit son ministère de confession et de direction spirituelle dans plusieurs institutions.
Le père Josse n’est pas réélu à un mandat après la fin de ses fonctions d’assistant en 1943, et il cesse ses activités à l’Union des Œuvres en 1944. Il tombe malade durant l’hiver 1944-1945 et ne prit pas la peine de se soigner. Son état s’est aggravé et il est installé en convalescence à Issy, où l’issue de sa maladie ne faisait pas de doute. Il décède subitement d’hémoptysie le 12 juillet 1945, très peu de temps après avoir reçu la communion des mains du supérieur général, le père André Monnier.
Photographies du père Josse (vers 1940, archives des Fils de la Charité, n°2541/26)
Postérité
Celui qui connut intimement le père Anizan en aurait été très avare de paroles. Sa personnalité discrète et son effacement font du père Josse un Fils méconnu et encore difficile à cerner. Peu après son décès, le père Gabriel Bard est chargé de la réalisation d’une biographie. Il recueille à cet effet de très nombreux témoignages et fit des entretiens auprès des personnes qui l’ont côtoyé au cours de sa vie. Bien que le projet n’ait pas abouti, les lettres reçues et les notes de travail constituent un vivier inestimable de détails sur la vie du discret père Josse.
Notes préparatoires de Gabriel Bard (vers 1945-1947, archives des Fils de la Charité, 2E06/06)
Bibliographie
Le Clerc Pierre. Histoire des Fils de la Charité en France (1914-1968). Paris, Fils de la Charité, 1997-1999.
Le Moy Jean-Yves. Le Père Anizan, prêtre du peuple. Paris, Éditions du Cerf, 1997.
Sources
Archives des Fils de la Charité.
2E06 : Fonds Alexandre Josse.
1903 : Auxiliatrices de la Charité
Merci de nous donner de connaître ce père si peu connu.
Tout à fait d’accord !