“Etty Hillesum, l’histoire de sa vie” par Judith Koelemeijer
Faut-il commencer par ce livre ou par les écrits d’Etty Hillesum dans « Une vie bouleversée » ou dans leur « édition intégrale » ? Ce livre de Judith Koelemeijer vient de paraître, qui a enrichi les lectures faites des écrits de cette jeune femme juive déportée vers Auschwitz le 7 septembre 1943 pour y être assassinée à l’âge de 29 ans ; des neuf-cent quatre-vingt-sept personnes du convoi, seules six reviendront.
“Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi”
Il y a près de trente ans déjà, un texte d’elle m’avait profondément touché, il s’agit de cette longue méditation du matin 12 juillet 1942 : « Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi […] Il m’apparaît de plus en plus clairement, presque à chaque pulsation de mon cœur, que tu ne peux pas nous aider, mais que c’est à nous de t’aider et de défendre jusqu’au bout la demeure qui t’abrite en nous. » Comment Etty peut-elle écrire cela ? Le livre de Judith Koelemeijer m’a renvoyé à l’écrit de la veille, alors qu’elle voyait de la fenêtre de son bureau, sur la place du Musée, les véhicules de l’armée allant et venant lors d’une rafle de Juifs particulièrement agitée. En fait, elle s’adressait à ses amis qui, les jours précédents, avaient encore critiqué son choix de ne pas se cacher ; elle avait aussi trouvé les mots pour se convaincre du bien-fondé de sa décision. Même si son travail pour le Conseil juif, « cet étrange organe-tampon », l’a protégée pour un temps.
Devant l’horreur, que faire ?
Tout au long du livre, nous la voyons débattre de cette question : devant l’horreur, que faire ? « Beaucoup de gens me reprochent d’être indifférente et passive. Ils disent : “Toute personne qui a une possibilité d’échapper à leurs griffes a le devoir de tenter sa chance”. Le plus bizarre, c’est que je ne me sens pas entre leurs griffes. Que je sois d’ici ou que je sois déportée. Je me sens seulement dans les bras de Dieu […] Il n’est pas vrai que je veuille aller au-devant de mon anéantissement, un sourire de soumission aux lèvres. C’est le sentiment de l’inéluctable, son acceptation et en même temps la conviction que, en fait, rien ne peut nous être ravi. Serais-je vraiment très heureuse de pouvoir me soustraire au sort imposé à tant d’autres ? » C’est seulement lors des derniers instants que des proches ont consenti à son choix de partager le destin de son peuple.
D’où vient-elle, Etty ? Elle décoiffe
Jusqu’à la fin, elle a multiplié les aventures amoureuses avec un naturel désarmant. Brillante sans excès, fille d’un fils de rabbin devenu directeur d’école, laïc et très cultivé et d’une mère russe quelque peu volcanique, elle avait un frère devenu médecin et le plus jeune pianiste surdoué et fragile. Etty a vite manifesté une grande indépendance à leur égard, et au bout du chemin, après avoir fait la paix avec elle-même, elle s’est réconciliée avec eux ; ils ont pris le même train vers l’enfer.
Elle était allée consulter un étrange personnage, chirologue du nom de Julius Spier, elle et son « occlusion de l’âme ». Il lui a proposé de tenir un journal et elle s’est éveillée. On ne peut plus ignorer, avec ce livre, qu’elle avait à la fois une grande passion pour les livres, ceux de Rilke particulièrement, et un réseau d’amis impressionnant. Ce fut son “milieu”, sa niche écologique ; on ne grandit pas seul, on ne trouve pas son chemin tout seul. Sa foi n’est pas sortie de nulle part comme on pourrait le croire.
Spiritualité hors de tout dogme, « sans être enfermée dans aucune religion », les écrits d’Etty Hillesum témoignent d’une foi inébranlable en l’être humain au milieu des pires horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Le livre de Judith Koelemeijer nous en montre la genèse et l’enracinement.
Gérard Marle fc
Merci, Gérard, de nous avoir parler d’Etty Hillesum dont j’avais lu “Une vie bouleversée”
je vais lire “l’histoire de sa vie”, c’est tellement important, pour moi et pour les autres, cette vraie approche de Dieu.
Merci.
Gérard
Bonjour, je vous remercie, je fais suivre le message. Je vous souhaite une bonne entrée en carême