“Grands ensemble” par Fabien Truong et Gérôme Truc

13 Fév 2025 | Livre coup de cœur | 0 commentaires

Auteur de l'article : Gérard Marle fc
Crédit photos : Éditions La Découverte

“Grands ensemble” par Fabien Truong et Gérôme Truc

Neuf ans d’enquête par deux sociologues

Sous le coup des attentats de janvier 2015, des habitants de la ville de Grigny, dans l’Essonne, se réunissaient pour parler puis fonder une association, Citoyens ensemble. L’auteur de l’attentat de l’Hyper Cacher et du meurtre de la policière de Montrouge, Amedy Coulibaly avait grandi dans leur ville. L’association ouvre alors « un mur de paroles où les habitants se sont exprimés en écrivant leur ressenti, leur indignation, leur colère sur les événements mais aussi sur ce qu’ils vivent à la Grande Borne ». Et pour travailler sur les témoignages qu’elle a collectés à la faveur de cette crise inédite, elle fait appel à deux sociologues reconnus en ces domaines. Ils prennent contact pour la première fois, on est le 13 novembre, et quelques heures plus tard de nouveaux attentats frapperont Saint-Denis et Paris. Depuis, Fabien Truong et Gérôme Truc n’ont eu de cesse de retourner à Grigny, et c’est un grand livre de sociologie qu’ils publient, Grands ensemble, fort de neuf ans d’enquête.

Coup de coeur de Gérard Marle fc qui a habité 10 ans à Grigny

J’ai habité la Grande Borne, de 2000 à 2010, avec trois autres Fils de la Charité. Ce livre, je l’attendais, et je l’ai dévoré. Pour qui n’y a jamais mis les pieds, Grigny peut apparaître comme le lieu de tous les excès, de tous les désespoirs. Ville la plus pauvre de France dit-on, qui abrite la Grande Borne, et où, plus récemment, on y brûle des policiers. Type du « ghetto » peuplé de familles immigrées regroupées autour d’un islam de plus en plus radical, en proie au « communautarisme » et au « séparatisme » vis-à-vis de la nation française et de ses valeurs républicaines. Vraiment ? Qui sait que de nombreux habitants de Grigny ont rejoint la manifestation parisienne qui a suivi les attentats du 7 janvier 2015 (Charlie Hebdo, Montrouge et l’Hyper Cacher) ? Ils n’étaient pas déconnectés et ils ne le sont pas davantage maintenant.

Ce livre Fabien Truong et Gérôme Truc déconstruit un ensemble de clichés parce que les auteurs ont pris le temps, et il faut le lire en prenant le temps. Le temps de découvrir la ville avec le lac et son vieux village, puis toute proche la grande copropriété de Grigny 2, et, séparée par l’autoroute A6, la cité HLM de la Grande Borne. On se laisse guider par quelques dizaines de personnes actives dans des associations ou travaillant dans des services municipaux, dans les écoles ou maisons de quartier ; certains ont déménagé dans une ville proche, d’autres habitent là depuis longtemps, toutes de « belles personnes ». Par les liens que Fabien Truong et Gérôme Truc nouent, de par leur histoire souvent douloureuse de migrants, leur capacité à rebondir malgré les obstacles administratifs, ils créent une sorte « d’enveloppe », de milieu où ils viennent se ressourcer.

Fabien Truong et Gérôme Truc décrivent violence, solidarité et ressentiment

Violence, solidarité et ressentiment, tel en est le sous-titre. En soi, la drogue génère des conflits et beaucoup de nuisances pour les habitants ; ce trafic appelle donc des interventions policières, fréquentes et qui ne se passent pas bien : les jeunes contrôlés sans cesse, mais parfois les éducateurs trop vite soupçonnés d’être complices ; quant à leurs familles, elles préfèrent régler les embrouilles elles-mêmes sans faire appel aux forces de l’ordre qui les « insécurisent ». « Quand on t’insulte, t’arrives à comprendre qu’on t’insulte. De fait, il y a quelque chose d’insultant et d’absurde à laisser penser que derrière chaque ” jeune de banlieue” se cache un terroriste potentiel. » Voilà pour leur ressentiment à l’égard de la presse.

Il ne me fut pas difficile de reconnaître quelques paroissiennes, « du bien vu » jusque dans le détail. Elles donnent à voir une belle image de ce que peut être une présence d’Église, à la fois chaleureuse et lucide, marquée par la bienveillance et cette longue patience qui dit quelque chose d’un Dieu proche.

Gérard Marle fc

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

“Notre Triple Idéal”, une boussole très réaliste

“Notre Triple Idéal” est toujours pertinent en 2025 ! C’est pourquoi nous avons décidé de fêter le centenaire de ce texte fondateur

Kolkhoze par Emmanuel Carrère

Gérard Marle fc a lu avec bonheur ce livre d’Emmanuel Carrère, roman familial, mille fois recensé, loué, simplement magnifique.

Le chemin de la joie par Matthieu Jasseron

Et si ce chemin était le chemin de la vie, de notre vie, de ma vie. C’est dans cet esprit que Matthieu Jasseron nous propose un chemin de joie

Construire un cadre de vie coloré et fraternel à Paris

Le 18ème à Paris a amélioré avec enthousiasme son cadre de vie par la peinture, la prière, les échanges et rencontres les 27-28 septembre 2025

La vidéo du pape, prier chaque mois en Eglise

La Vidéo du Pape diffuse les intentions de prière mensuelles du Saint-Père. Nous nous associons à la prière mondiale de l’Eglise.

Bx Floribert Bwana Chui, modèle de droiture pour le monde

Floribert Bwana Chui, membre de Sant’Egidio, est le 4ème bienheureux de la République Démocratique du Congo, béatifié à Rome le 5 juin 2025.

La collision par Paul Gasnier

Paul Gasnier du même âge que Saïd, veut comprendre leur destin opposé. Il pointe une faillite collective: école, famille, société, l’enchaînement fatal

L’origine des Auxiliatrices de la Charité

Cofondation des Sœurs Auxiliatrices de la Charité le 15 octobre 1926, à Paris par le père Jean-Emile Anizan et Mère Thérèse Joly.

Trois témoins du Jubilé des Jeunes avec le Diocèse de Saint-Denis

Du 25 juillet au 4 août 2025, 130 jeunes du diocèse de Saint-Denis, ont participé à Rome au Jubilé des Jeunes avec le pape Léon XIV

La croix est la clé qui ouvre la prison

Ce qui donne sa valeur à la croix, ce n’est pas la souffrance, mais l’amour sans mesure du Christ. Ses plaies nous sauvent, signe d’un amour infini

Share This