Léon l’Africain par Amin Maalouf
C’est là un roman historique de l’écrivain franco-libanais Amin Maalouf. Cette autobiographie imaginaire part d’une histoire vraie. En 1518, un ambassadeur maghrébin, revenant d’un pèlerinage à La Mecque, est capturé par des pirates siciliens, qui l’offrent en cadeau à Léon X, le grand pape de la Renaissance. Ce voyageur s’appelait Hassan al-Wazzan. Commerçant, diplomate, géographe et écrivain arabo-andalou, il a vécu au XVe et XVIe siècles, et il est connu par son ouvrage « Description de l’Afrique » publié en 1530. Devenu la bible de tous les diplomates et explorateurs intéressés par l’Afrique.
Amin Maalouf déplacele regard, il est un appel à comprendre l’autre
J’ai beaucoup aimé ce livre magnifiquement écrit, et cette plongée dans l’époque étonnante que fut le XVIe siècle. Il déplace le regard, il part d’un point de vue différent. Il est un appel à comprendre l’autre. Le roman retrace les pérégrinations de ce personnage, qui a traversé de nombreux pays méditerranéens, multipliant les rencontres et faisant preuve de curiosité et de tolérance. Il devient le géographe Jean-Léon de Médicis, dit Léon l’Africain.
Sa vie, faite de passions, de dangers et d’honneurs, et que ponctuent les grands évènements de son temps, est fascinante : il se trouvait à Grenade pendant la Reconquête, d’où, avec sa famille, il a dû fuir l’Inquisition. En Egypte lors de la conquête du pays par les Ottomans, en Afrique noire à l’apogée de l’empire de l’Askia Mohamed Touré, enfin il a passé plusieurs années à Rome, aux plus belles heures de la Renaissance, où il enseignait l’arabe. Il était présent au moment du sac de la ville par les soldats de Charles Quint.
Amin Maalouf raconte ce parcours hors du commun, en quatre périodes
Sa naissance à Grenade dans une famille musulmane pratiquante, et sa jeunesse. Il fait la lecture de ces évènements selon la foi musulmane. C’est ensuite la prise de Grenade en 1492 par les Rois catholiques, Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon ; l’arrivée progressive de l’Inquisition et ses méthodes, dont l’obligation de se faire baptiser et d’épouser la foi catholique, ou de quitter le pays en vendant tous ses biens, dans un délai de trois ans, mais qui sera plus court. Les persécutions contre les juifs, puis contre les musulmans. La fuite de sa famille pour chercher refuge à Fès, dans l’actuel Maroc. Son oncle l’initie à la vie diplomatique.
A l’âge de 20 ans il s’engage définitivement sur les routes et la voie de la diplomatie pour une vie entière de grand voyageur et de négociateur, à travers tout le Maroc, et les zones présahariennes, ainsi que tous les pays du Maghreb, de l’Arabie, l’Afrique Saharienne et en Egypte.
Mais j’ai particulièrement été impressionné par le récit de sa capture par un chevalier de l’Ordre de Saint-Jean. C’était en 1518, il revenait du pèlerinage musulman à La Mecque, et il fut offert en cadeau au pape Léon X. Celui-ci le fait instruire et catéchiser, puis baptiser sous ses propres noms, Jean-Léon. Il devient alors Jean-Léon de Médicis, dit Léon l’Africain.
La dernière partie à Rome est passionnante
Le Pape avait besoin de lui comme diplomate pour négocier avec les Turcs et les Ottomans. Homme d’Orient et d’Occident, homme d’Afrique et d’Europe, on pouvait difficilement trouver dans l’histoire personnage dont la vie corresponde davantage à l’époque étonnante que fut le XVIe siècle. C’est fort. C’est prodigieux. Un excellent livre pour l’été, et un auteur à découvrir.
Né à Beyrouth en 1949, Amin Maalouf vit en France depuis 1976. Prix Goncourt en 1993. Membre de l’Académie française depuis 2011.
Jacques Baudet fc
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