“Travailler mieux” par Christine Erhel et Bruno Palier
Le mauvais management a un coût social élevé
« Une source importante à ce livre de Christine Erhel et Bruno Palier est l’enquête européenne sur les conditions de travail de Eurofound qui aborde toutes les dimensions des conditions de travail, environnement de travail et risque psycho-sociaux, relations de travail… Elle existe depuis1990 et est menée dans plus de 30 pays » précise Christine Erhel.
Bruno Palier en définit les enjeux : « Il y a chez les Français vis-à-vis du travail, à la fois plus d’attente et de difficultés que dans des pays comparables. Les gens ne quittent pas leur emploi mais ils n’y trouvent pas leur place. Ils ne se sentent ni écoutés ni reconnus. Cela se traduit par un malaise, le sentiment d’une perte de sens. La faible écoute dans le travail est un enjeu important, dont on sous-estime la portée politique. Si on ne les écoute pas dans leur entreprise, les gens vont sur les ronds-points ; si on ne les écoute pas sur les ronds-points, ils finissent par voter extrême droite. Il y a un lien direct entre le sentiment d’être exclu dans son travail et le vote pour le Rassemblement national. Le mauvais management a un coût social élevé. »
32 % des salariés sont ni bien payés ni considérés
Ce livre de de Christine Erhel et Bruno Palier fournit sans nous accabler tous les chiffres possibles, les uns connus et d’autres ignorés. Nous savons qu’il y a des salariés qui ont des horaires décalés, qu’ils ne sont ni bien payés ni considérés, alors même qu’ils se sont montrés indispensables lors du COVID, mais nous ignorons qu’ils représentent 32 % de l’emploi. Une enquête révèle que 23,8 % travaillent habituellement le samedi, 11,3 % le dimanche, 7,4 % la nuit 10,3 % en travail posté, 28,9 % connaissent des horaires variables. Le nombre des accidents du travail est en France supérieur aux moyennes européennes (3,32 accidents mortels pour 100 000 personnes en France en 2021, contre 0,84 en Allemagne).
Le mode de fonctionnement interne, très vertical, nuit à la qualité des produits et alourdit le coût
Ce n’est ni le coût du travail ni l’État Providence qui font que la France réussit moins bien de nombre d’autres pays européens, mais le management, le mode de fonctionnement interne aux entreprises, très vertical, qui nuit à la qualité des produits et en alourdit le coût. Sans compter les coûts gigantesques et occultés : « ils sont de l’ordre de plusieurs milliers d’euros, en moyenne 20 000€ par personne et par an ». Absentéisme, accident du travail et arrêt maladie, rotation du personnel, perte de productivité, voilà les conséquences d’une mauvaise organisation du travail. Selon une étude d’Ipsos, « pour 90 % des salariés, il est important que l’entreprise leur permette de donner du sens à leur travail, mais 14 % des dirigeants affirment vouloir s’y mettre ».
Christine Erhel et Bruno Palier répondent à la question: Comment travailler mieux ?
« Il faut commencer par écouter les salariés, tenir compte de leur savoir-faire et de leurs propositions. Car ils ne sont pas contre le travail ou l’entreprise. Cela passe par le dialogue, l’écoute, la participation, l’autonomie. L’ensemble des évolutions doit faire l’objet de négociations. Il faut aussi mieux mesurer la qualité des emplois, des indicateurs le permettent. » Une proposition : « Autoriser les salariés à parler de leur travail entre eux, une demi-journée par mois. Les salariés doivent pouvoir être écoutés sur la définition des tâches, la prévention, la santé au travail, tout ce qui relève de l’organisation concrète du travail et du sentiment de reconnaissance. »
Le principe de subsidiarité
La doctrine sociale de l’Église défend le principe de subsidiarité, à savoir la nécessité de laisser à ceux qui sont les premiers concernés le droit de discuter et de régler à leur niveau les questions qui se posent. Et si les paroisses, les institutions, l’Église tout entière, se convertissaient au dialogue, devenaient « synodale », l’ensemble du monde pourrait en prendre le goût.
Gérard Marle fc

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