Une religion du coeur

27 Avr 2016 | Pastorale | 0 commentaires

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Une religion du coeur

En cette année de jubilé de la Miséricorde, Remy Jubert fc nous rappelle le langage des amoureux, qui est celui de Dieu pour nous.

Brouette et jonquilles

© Florence Sanyas

Le comptable

Alexandre veut se marier. Sur son ordinateur, il inscrit le nom et les paramètres de chaque candidate: visage, yeux, lèvres, taille, coiffure, compétence ménagère, qualités intellectuelles et sportives, tendresse, etc, sans oublier le compte en banque! Il choisit celle qui a le meilleur score. Les deux futurs enregistrent alors leurs mérites et démérites: 1 point retiré par minute de retard, 10 ajoutés par bouquet offert, 1 point par sourire, 20 pour être venu malgré la pluie. Ils finissent par craquer!

Certains voient Dieu comme un comptable pointilleux ne faisant grâce de rien et toujours occupé à compter nos points. “Je m’accuse d’avoir manqué la messe: “je m’étais cassé une jambe”Comme si Dieu nous demandait l’impossible. Quel mari oserait battre sa femme paralysée parce qu’elle ne va pas faire les courses? Quelle mère punira son enfant malade qui manque l’école?

Jésus a-t-il compté les points du bon larron, de la femme adultère, de la Samaritaine, de Marie Madeleine ou de Zachée? Dieu n’a pas un cœur d’ordinateur mais un cœur de Père fou d’amour et prêt à pardonner, ce qui signifie “donner sans compter, faire table rase de toute dette”. Nous sommes fils et filles de Dieu, pas ses administrés.

Une nourrice

Porte sainte du jubilé de la Miséricore à Saint-Suplice à Paris

© Florence Sanyas

Une nourrice n’aime pas le bébé qu’on lui a confié. Pour l’obliger à s’en occuper, on lui impose un règlement en 354 articles. Contrôlée, elle reçoit un salaire en fonction du service. Alors, tout est parfait, l’enfant est propre, bien vêtu, bien nourri. Mais il ne s’épanouit pas. Il ne s’épanouit qu’au retour de sa mère mue par l’amour et non par la contrainte. La nourriture est peut-être moins rationnelle, les vêtements moins en ordre, le visage plus souvent barbouillé, mais il y a l’amour, et cela change tout.

On peut, comme cette nourrice, agir par peur du châtiment ou calculer au plus juste ce qui est strictement obligatoire. Un chrétien mercenaire ou esclave craint sans cesse d’enfreindre le règlement imposé par le maître et cherchera la petite astuce juridique qui permettra une légère entorse. Mais mercenaire aussi celui qui en prend à son aise avec Dieu, jugeant que les exigences évangéliques sont pas à prendre trop au sérieux: chipotant sur ceci, trichottant sur cela, rognant sur le temps donné à Dieu: Je suis en règle et ça suffit!

Est-ce bien langage d’amoureux? L’amoureux ne se sent jamais quitte et n’en fait jamais assez.

Elle et lui

Jubilé de la Miséricorde

© Florence Sanyas

Elle et lui s’aiment tendrement. Grâce à cet amour, la maison est propre, accueillante, décorée avec soin. La cuisine sent bon. Le bricolage attentionné facilite la vie. Mais l’amour vient à rancir. La maison est de plus en plus propre, soignée, astiquée, mais n’est plus accueillante: on ne peut plus toucher à rien. La propreté n’est plus un acte d’amour, mais un culte. La cuisine est plus que parfaite, mais les gentils petits plats sont devenus idoles. Et le bricolage est un lieu sacré fermé à toute intrusion.

Ce danger guette toutes les organisations humaines, qu’elles soient civiles ou religieuses. On y entre comme en religion, et on en fait peu à peu son fromage. Oui, soyons efficaces, mais ne perdons la flamme.

Remy Jubert fc, prêtre à la paroisse Sainte-Hélène à Paris

 

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