“Interroger Dieu” par Timothy Radcliffe et Lukasz Popko
Dans la Bible, Dieu interroge sans cesse
Le jour de leur profession de foi, deux jeunes ados ont posé au célébrant cette question : « Pourquoi Dieu ? » Je ne me souviens pas de la réponse du prêtre, mais de leur question, oui. Il en est ainsi souvent. Dans la Bible, Dieu interroge sans cesse : Adam, Caïn, Abraham, Moïse, Élie, et tant d’autres. Jésus de même. Mais nous, sommes-nous en droit d’interroger Dieu à notre tour ?
“Dieu fait de nous des amis puissants en engageant la conversation avec nous”
Commentant à deux voix le texte biblique qui raconte Élie sur la montagne, ces deux frères dominicains, l’un anglais et octogénaire, l’autre polonais et quarantenaire mettent le doigt sur la puissance des idées, des paroles, des voix. « Dans le domaine de l’humain, qui est le domaine spirituel, les paroles sont plus redoutables qu’une tempête, un séisme ou un feu sans voix. » Et l’autre précise : « Dieu fait de nous des amis puissants en engageant la conversation avec nous, de la manière la plus puissante, par la petite voix de fin silence. C’est pour cela que nous écrivons ce livre ! »
“Notre amitié avec Dieu modèle notre ouverture à l’amitié avec les autres”
Parler, écouter, se parler, s’écouter, nous percevons que les auteurs en voient les difficultés. Elles sont de toujours, et notre époque n’échappe pas à la règle, que ce soit en société ou dans l’Église, « en ces temps incertains où l’Église s’interroge sur la manière d’être fidèle à Dieu. » Ces deux auteurs ont voulu converser, se confronter même, échanger sur dix-huit textes bibliques. Apprendre aussi de ces textes la manière de dialoguer : « Ces dix-huit conversations entre Dieu et son Peuple nous offrent-elles des indications sur la façon de partager notre joie et de soigner les plaies qui blessent nos familles, notre société et le Corps du Christ ? Si ce n’est pas le cas, nous n’aurons pas l’autorité pour offrir une parole d’espoir à un monde terrorisé par son avenir. Notre amitié avec Dieu modèle notre ouverture à l’amitié avec les autres, et inversement. Si je ne peux pas écouter Dieu, je n’écouterai pas bien les autres. »
L’écoute exige une profonde tranquillité intérieure
« L’écoute exige le silence. Pas simplement l’absence de mots, mais une profonde tranquillité intérieure dans laquelle on ose être vulnérables les uns avec les autres. » Certes, le silence peut être celui de l’incompréhension mutuelle, de la suspicion et de la peur. Mais il y a aussi « les silences de la présence mutuelle, du pur plaisir d’être avec ceux que nous aimons. » Les dix-huit textes nous montrent que ce Dieu-là nous connaît bien, chacun et chacune par notre nom, qu’Il est un Dieu qui parle, faisant de nous des femmes et des hommes de paroles. Il a plaisir d’être avec nous. Il est patient.
J’aurai passé cinquante ans de ma vie à devoir me coller à ces textes, à en lire des commentaires, à écrire sur eux autant de fois que nécessaire pour arriver à une version en laquelle je me retrouvais, croisant une analyse du texte avec ce que je pouvais percevoir de mon entourage et du monde. Alors seulement je pouvais en parler. De plus, le fait d’en parler à des assemblées toujours différentes me faisait soudainement comprendre la justesse de telle parole, de tel comportement de Jésus ; en ce sens, il y avait conversation avec l’assemblée, je le vivais ainsi. Illusion, me direz-vous, qui masque mal, au cours de la messe, une situation de « monopole de la parole » propre au clerc que je suis. Comme nombre de mes frères prêtres, je ne me suis jamais présenté comme un enseignant sûr de lui ; tout juste avais-je une avance dans la connaissance des textes. Je note aussi qu’après l’homélie vient le temps de la prière pour le monde, assurée par des membres de l’assemblée, temps pour interroger ce Dieu qui est là, à l’image du ressuscité conversant avec deux disciples sur la route d’Emmaüs.
Gérard Marle fc.
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