Gabriel Bard (1883-1957) : l’infatigable documentaliste et biographe du père Anizan

9 Juin 2025 | Histoire & Patrimoine | 0 commentaires

Auteur de l'article : Anaëlle Herrewyn
Crédit photos : Fils de la Charité / École des Mines-PSL

Le père Gabriel Bard (1883-1957) : l’infatigable documentaliste et biographe du père Anizan

Ancien ingénieur des mines et connaissance du père Anizan de par sa présence à l’Union des Œuvres, le père Gabriel Bard (1883-1957) entre tardivement dans les ordres. Il se tourne vers les Fils de la Charité où son apostolat se fit principalement par son action dans l’Union des Œuvres et la transmission du savoir. Homme érudit, féru de documentation et enseignant l’histoire, le nom du père Bard est très associé à sa biographie du fondateur. Ses archives nous permettent d’approcher davantage son parcours original.

 

 

Jeunesse et études

Gabriel Bard de Coutance, généralement appelé Gabriel Bard, naît dans une famille aristocratique le 30 juillet 1883 à Bonneville, en Haute-Savoie. Il a deux frères, Louis et Joseph-Alfred. Il perd en 1902 son père Georges Bard, qui était avocat. Gabriel ne se tourne pas en premier lieu vers la prêtrise : il fait ses études à l’École des Mines de Paris et devient ingénieur. Il entre à l’Union des Œuvres vers 1908, où il rencontre le père Anizan.

 

Photographie de la promotion de Gabriel Bard à l’école des Mines (1905, archives de l’Ecole des Mines-PSL)

Relevé de notes de Gabriel Bard à l’école des Mines (1906-1908, archives de l’Ecole des Mines-PSL, matricule 1489)

Les années de guerre

Lorsque le Première guerre mondiale éclate, Gabriel Bard est âgé de 31 ans. Il est mobilisé comme soldat. Son frère Alfred décède en 1914 des suites d’un combat. Lui-même est blessé en 1916. Durant toute la guerre, le père Anizan, aumônier à Verdun, correspond avec Gabriel Bard, qu’il appelle “Monsieur Gabriel”, et sa mère, Gabrielle Jeanne Rouhier de Julliac. Il se rend chez elle à Bonneville dans les années 1920 pour prendre du repos. Il leur transmet régulièrement des nouvelles de Louis Bard, également à Verdun.

 

Lettres de Jean Émile Anizan à Gabriel Bard (1915-1918, archives des Fils de la Charité, 01C/G/04A et 01/C/G/04B)

Entrée dans les ordres

Après la guerre, Gabriel Bard reprend son activité d’ingénieur. En 1920, il soutient une thèse de droit à Paris. La même année, sa vie prend un tournant lorsqu’il décide d’entrer au séminaire. Il est ordonné prêtre en 1923, à l’âge de 40 ans, et rejoint les Fils de la Charité chez lesquels il prononce ses vœux perpétuels en 1927. La raison de cette réorientation n’est pas connue, mais il est très probable que sa relation avec le père Anizan ait été décisive dans son choix d’entrer chez les Fils de la Charité

 

Lettre d’ordination de Gabriel Bard (1923, archives des Fils de la Charité, 2E06/03)

Secrétaire de l’Union des Œuvres

Le père Bard commence en 1924 son ministère dans la paroisse parisienne Notre-Dame d’Espérance où il ne reste qu’un an avant de rejoindre la communauté de l’Union des Œuvres. Il en est nommé secrétaire par le père Anizan en 1926, prenant la suite d’Alexandre Josse. Il assure l’administration de l’Union, sa gestion financière et organise les congrès annuels. Après qu’il ait cessé d’être secrétaire en 1938, il continue de suivre le fonctionnement de l’Union.

 

Note de Gabriel Bard sur l’Union (1946, archives des Fils de la Charité, 2E08/09)

Le père Bard fut, via l’Union des Œuvres, le fondateur du journal Cœurs Vaillants. En effet, il se souciait des œuvres de jeunesse et des liens entre patronages et scoutisme. Il a cherché à fédérer en créant en 1926 une commission dédiée aux œuvres de jeunesse de l’Union des Œuvres. L’idée d’un journal émerge et c’est en 1928 qu’est publié le premier numéro de Cœurs Vaillants, avec le concours de l’Union. Le père Bard choisit comme adjoint en 1929 le père Gaston Courtois, qui prend sa suite.

 

Un documentaliste et professeur d’histoire

Le père Bard débute dans l’enseignement au scolasticat d’Issy-les-Moulineaux en 1937, où il enseigne jusqu’en 1943 avant de rejoindre la communauté Saint-Vincent-de-Paul de Clichy. Il reprend l’enseignement en 1947 au noviciat des Frères, puis en 1948 au scolasticat d’Issy-les-Moulineaux où il enseigne l’histoire de l’Église probablement jusqu’en 1957, année de son décès. Il semble avoir trouvé sa méthode pédagogique et s’est investi dans cette mission, ce dont témoignent ses multiples brouillons, notes et frises chrono-thématiques réalisés pour ses cours. Il est également l’auteur d’écrits spirituels, de cours, conférences et ouvrages inachevés.
Le père Bard avait un intérêt prononcé pour la documentation. Il accumulait de la documentation sur de nombreux sujets relatifs à l’Église, constituant un corpus documentaire considérable qui ne put être intégralement conservé aux archives.

 

Extraits de frises chronologiques réalisées par Gabriel Bard (sans date, archives des Fils de la Charité, 2E08/05)

 

Biographe et soutien de la cause du père Anizan

Le père Bard réalise une biographie du père Anizan, suite à une demande formulée en 1938 par le supérieur général, Georges Vaugeois. Pour réaliser cette tâche, Gabriel Bard se charge de rassembler les écrits du père Anizan et sa correspondance, notamment en faisant appel aux personnes ayant conservé des lettres écrites par le fondateur. Ce fonds est complété en 1950 par la découverte de caisses d’archives stockées dans le grenier de la maison du Bon Pasteur à Paris, qui avait été la maison-mère de l’Institut. La biographie du père Bard est publiée en 1946, suivie en 1949 des écrits spirituels du père Anizan. Sa biographie lui a valu de recevoir en 1947 le prix Juteau-Devigneaux de l’Académie française.

 

Biographies du père Anizan (1946, archives des Fils de la Charité, 110.001 et 110.002)

Travaux préparatoires pour la biographie du père Anizan (années 1940, archives des Fils de la Charité, 248)

Le père Bard a également débuté les biographies de deux autres Fils : Eugène Maupoint, décédé en 1940, et Alexandre Josse, membre fondateur de l’Institut et proche du père Anizan, décédé en 1945. Il débute des recherches, collecte des témoignages et réalise des premiers travaux préparatoires, mais ces projets de biographies n’aboutissent pas.

Les dernières années du père Bard sont mal connues. Il contribue au procès en béatification du père Anizan et est chargé en 1952 par le supérieur, André Monnier, de compiler les écrits du fondateur pour ce procès. Ce travail sur de collecte et de recherche dans les archives fit de lui un archiviste de facto, bien qu’il n’en avait pas la méthode.

 

Photographie d’identité de Gabriel Bard (vers 1953, archives des Fils de la Charité, 2E08/01)

Le père Bard décède le 21 janvier 1957 d’une crise cardiaque, à l’âge de 74 ans. Son décès semble passer assez inaperçu, mais son nom reste connu grâce à sa biographie du père Anizan, qui reste aujourd’hui encore un des ouvrages de référence sur le fondateur.

 

Bibliographie

Féroldi Vincent. La force des enfants : des Cœurs vaillants à l’A.C.E. Paris, Les Éditions ouvrières, 1987.
Le Clerc Pierre. Histoire des Fils de la Charité en France (1914-1968). Paris, Fils de la Charité, 1997-1999.

Sitographie

École Sainte-Marie à Saint-Chamond : Alfred Bard [https://ecolesaintemarie.canalblog.com/archives/2018/11/04/36875781.html]
Les Annales des Mines : Gabriel Bard de Coutance [https://www.annales.org/archives/x/bard.html]

Sources

Archives des Fils de la Charité.
01C/G/01A-01C/G/06B : Courrier actif du père Anizan.
2E04 : Fonds Eugène Maupoint.
2E06 : Fonds Alexandre Josse.
2E08 : Fonds Gabriel Bard.
245-249, 2434-2435 : Travaux de Gabriel Bard sur le père Anizan.

Sources extérieures
Archives de l’École des Mines – PSL : Dossier de Gabriel Bard (matricule 1489)

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