Aucune nuit ne sera noire par Fatou Diome
Récit initiatique
Un petit marin vous attend au bord de la lagune à l’embouchure du Saloum (Sénégal) pour vous embarquer auprès de son ‘’capitaine’’, vieux marin rompu aux temps inconstants et à la traîtrise des mers dont la colère peut engloutir d’un coup la meilleure pirogue. Ouvrez ce récit initiatique au cours duquel un vieux loup de mer va préparer son mousse à se lancer sur l’océan de sociétés méconnues.
Trouver le cap
En notre temps où il ne s’agit pas seulement de dérèglement climatique, mais plus encore de dérèglement moral tout aussi mortifère, comment trouver le cap quand ceux qui revendiquent pouvoir et direction, du plus haut au plus bas, se donnent pour armes l’orgueil, le cynisme, le carriérisme, l’appât du gain, la violence, l’oppression, le matérialisme ? Ceux-là n’ont que mépris pour l’humain, ‘‘kleenex’’ à jeter une fois usagé. Ils n’ont pour souci que de s’approprier le fabuleux spectacle d’une nature, incapables d’approcher de telles merveilles dont le secret apaise.
Un amour vrai libère et ensoleille
Et pourtant, il est un chemin pour contourner obstacles, récifs et vents contraires, celui où nous emmène le ‘‘petit marin’’ à l’ombre du vieux loup de mer qu’est son protecteur de papy. Le destin semblait l’avoir condamnée définitivement, petite innocente « fruit du péché », hors normes sociales et religieuses ; mais « aucune nuit ne sera noire » car une double étoile brillait et montrait le chemin si profond d’un amour invaincu et irréductible, un amour vrai qui libère et ensoleille. Pour ‘‘le capitaine’’ il ne s’agit donc pas de protéger sans discernement, il s’agit de forger le caractère, faire face, affronter les différences, le racisme, sortir de sa paresse et de son prêt-à-penser. Bref le capitaine va lâcher peu à peu la barre afin de laisser son petit marin choisir son cap et créer son propre ‘‘à venir’’.
La pêche
Ce voyage au long cours vous mènera de l’île de de Niodor à Strasbourg. Et le grand-père – pécheur – ne sera jamais loin, il apprendra au ‘‘petit marin’’ à affronter les vents contraires, la violence des orages, la traîtrise et la sournoiserie des faux-frères.
Retrouver la boussolle
Prenons donc le large, sortons du port, faisons confiance au ‘‘vieux capitaine’’, il connaît là où la pèche sera fructueuse et abondante. Quel surprenant voyage dont nous avions perdu la boussole. Boussole de sagesse et d’amour vrai qui nous égarera sur les longues pistes inconnues des ancêtres et des esprits qui surgissent des forêts du passé et des nuits. Quand on se découvre « fruit du péché » comment faire face à l’opprobre qui vous habille à tout jamais ? Oui, les loups sont bien là à guetter leur proie sans grande défense, racistes, vertueux sans vertu, jaloux sans miséricorde, docteurs des lois idéologiques assassines et tant de minables qui se hissent sur le dos des faibles pour se croire pharaons !
La Sagesse, une richesse suprême
J’avoue avoir été décontenancé à la lecture des premières lignes de ce roman de Fatou Diome qui semblait vouloir me perdre dans une brousse encore inconnue. Alors comment sortir de ce labyrinthe sans revenir encore et encore sur ses pas pour lire plus attentivement les indices qui jalonnaient le chemin, mais invisibles pour celui qui ne cherchait que trop rapidement la sortie !
Il était un temps dans l’Antiquité où la Sagesse était considérée comme la richesse suprême.
Avec ce roman de Fatou Diome, reprenons goût aux mets savoureux que sont les sentiments profonds révélés dans le compagnonnage plutôt qu’aux « hamburgers » et autres plats rapides qui ne nourrissent pas, mais effacent seulement la faim du moment.
Eric Récopé fc.

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