Tombeaux, autobiographie de ma famille par Annette Wieviorka

10 Mai 2023 | Livre coup de cœur | 0 commentaires

Auteur de l'article : Gérard Marle fc
Crédit photos : Seuil

Tombeaux, autobiographie de ma famille par Annette Wieviorka

Dans la famille d’Annette Wieviorka, la mort était présente mais aussi absente

Le journal Le Monde du 22 janvier 2023 présente ainsi l’auteure de ce livre : « A 75 ans, Annette Wieviorka est historienne, spécialiste reconnue de l’histoire de la Shoah. Ce livre retrace l’itinéraire de ses aïeux, juifs d’origine polonaise arrivés en France dans les années 1920 et marqués par la déportation. »
Elle-même s’explique : « Pour faire un travail d’historien, il faut réunir au moins trois conditions : la curiosité, le goût de la vérité et la liberté de pensée. J’avais acquis celle-ci après l’expérience chinoise, mais c’est Annie Kriegel qui m’a donné l’autorisation de l’exercer, contre toutes les doxas. Dans ma famille, la mort était présente mais aussi absente parce que les nazis, d’une certaine manière, avaient fait le travail… En tentant d’écrire une conclusion à ce livre, j’ai pensé à l’historien et prêtre jésuite Michel de Certeau : ‘L’historien fait oeuvre de sépulture pour que les morts retournent moins tristes dans leurs tombeaux.’ Brusquement, je me suis arrêtée et demandé : est-ce que j’y crois vraiment ? Comment peut-on écrire cela quand on ne pense pas qu’il y a une vie après la mort ? Finalement, je crois que c’est la question du lien qui est en jeu ici. Moi qui appartiens à une génération sans grands-parents, ça compte de pouvoir faire le lien entre les uns et les autres, qu’aujourd’hui soit relié à hier. »

Annette Wieviorka et d’autres, récits de résistance aux systèmes totalitaires

« La carte postale » d’Anne Berest, « Les exportés » de Sonia Devillers, ici « Tombeaux » d’Annette Wierviorka, autant de livres sur l’histoire juive, plus exactement l’histoire d’une famille juive, livres qui font voyager dans l’Europe centrale du vingtième siècle. Écrits de petites-filles sur l’histoire mouvementée et tragique de leurs familles, jusqu’alors largement tue. Je l’avoue, leurs histoires m’intéressent à plusieurs points de vue. Parce que ce sont des récits de résistance aux systèmes totalitaires, parce qu’ils nous viennent de ce peuple juif et que ma foi de chrétien s’enracine, aujourd’hui aussi, dans cette histoire-là. Enfin, parce que l’antisémitisme persiste, même à fleurets mouchetés.

Le lecteur peut se reporter à l’arbre généalogique dessiné à la fin du livre. Il y a le côté Wieviorka et le côté Perelman, Wolf, l’intellectuel yiddish précaire, et Chaskiel, le tailleur taiseux. L’un écrit, l’autre coud. Ils sont arrivés à Paris au début des années 1920, en provenance de Pologne. Leurs femmes, Guitele et Hawa, assument la vie matérielle et celle de leurs enfants. Vie de familles immigrées marquées par la pauvreté et la débrouillardise, la guerre, les rafles, la fuite et la déportation pour certains, le difficile retour à la vie.

L’audace de mener une existence culturelle propre et indépendante sans avoir de pays

« Le bonheur ? Il n’entre pas ou si peu dans le champ de conscience d’une population persécutée pendant de très nombreux siècles ». Parlant de Rachel qui connut une adolescence heureuse toute occupée qu’elle était à ses amitiés et à sa vie scolaire… Mais comme un fil rouge court la honte quand son monde familial fait irruption dans celui des « vrais » Français. Une honte que je percevrai chez elle sa vie durant, jusqu’à la très grande vieillesse. Une honte aussi d’être juive, contre laquelle elle lutta vaillamment, une honte dont elle eut honte. » De Wolf elle retient « qu’il faut avoir le courage de dire que nous ne pouvons être entièrement goys, que ce peuple a eu l’audace de mener une existence culturelle propre et indépendante sans avoir de pays à lui. Notre seule volonté d’exister nous donne le droit d’exister. »

Rapport complexe à la religion et à la judéité

L’auteure, à l’aide de notes dispersées dans la première moitié du livre, laisse entrevoir le rapport complexe à la religion et à la judéité. « Le passé n’est jamais inactif. Il vit en nous, qu’on le reconnaisse ou non. » Ce que vous percevrez à la lecture des deux autres livres.

Gérard Marle fc

 

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