Intérieur nuit par Nicolas Demorand
« J’ai honte, j’ai peur, je vais vous raconter mon histoire en tremblant. »
Nicolas Demorand, homme de radio bien connu des auditeurs matinaux de France Inter, raconte des évènements de sa vie qui se déroulent sur plus de vingt ans. Evènements qu’il s’est évertué à garder secrets pendant toutes ces années.
Le titre de son livre « Intérieur nuit » et la dédicace « à mes deux enfants, mes deux lumières » introduit d’emblée le lecteur dans une trame entre ombre et lumière, et laissent entrevoir une vie de bataille contre les ténèbres intérieures qui le minent.
Dès les premières pages transparaît le très grand courage qu’il lui a fallu pour oser exposer sa souffrance : « Je suis malade mental ». Il le répète de manière lancinante, comme pour exorciser ses longues années de souffrance, la souffrance de la maladie mentale, et la souffrance de devoir la vivre dans le silence, la dissimulation et le mensonge. « J’ai honte, j’ai peur, je vais vous raconter mon histoire en tremblant. »
La culpabilité et la honte, le danger d’être reconnu comme malade mental font partie du cortège
Avec une grande franchise et sans concession sur lui-même, l’auteur décrit les affres de la dépression, l’impossibilité de sortir de chez soi, de sortir de son canapé, et même de se laver, tout en dénonçant la terrible violence du « Bouge-toi ! » que peuvent asséner ceux qui ne comprennent rien à cette maladie. Il décrit aussi comme une mascarade les longues années d’errance médicale et médicamenteuse avant qu’un diagnostic soit posé. « Pourquoi personne n’a su sérieusement s’intéresser aux causes du mal au lieu de mal en soigner les effets ? »
Nicolas Demorand veut briser le tabou qui pèse sur la maladie mentale
La culpabilité et la honte, le danger d’être reconnu comme malade mental font partie du cortège. « Tiens, je n’aurais jamais imaginé ça de vous ! » lui dira un jour un pharmacien bien peu inspiré en voyant la longue ordonnance de son psychiatre.
Nicolas Demorand veut briser le tabou qui pèse sur la maladie mentale, maladie invisible qui, avec sa part d’inconnu et de mystère, n’est toujours pas « banalisée ». Soit le malade est pris pour un malade imaginaire, soit il n’est pas compris. L’auteur le sait bien, il n’est pas seul, il y a sûrement tout une armée de gens avec le même parcours. Il peut être le visage et la voix de toute cette cohorte qui souffre en silence, en plaidant pour le droit à la banalité pour lui et tous ses amis de maladie « Accordez-nous la banalité ! » « Il est honteux d’avoir honte. »
Nicolas Demorand est reconnu bipolaire
Après de longues années de solitude et d’errance il entre dans un autre temps de sa vie quand un psychiatre de l’hôpital Sainte-Anne pose le diagnostic de la bipolarité et propose alors une prise en charge appropriée. Il lui faut accepter de se reconnaître malade mental, mais il a enfin « la sensation de respirer pour la première fois depuis un siècle » et ne sera jamais assez reconnaissant « envers ce grand professeur qui [lui] a permis de revivre. » Une relation de confiance s’installe, il se sait écouté et compris. Il n’est pas seulement « sa maladie », leurs échanges culturels, littéraires, philosophiques lui font du bien. « Si je ne serai jamais guéri de cette maladie, la traverser avec ce médecin ‘toujours de mon côté’ reste l’une des plus belles aventures de ma vie. »
L’honnêteté de ses propos révèle une personne qui aime les gens
La radio, le respect de ses auditeurs, sa responsabilité envers son équipe, les amitiés professionnelles, forment son « exosquelette », la lumière qui lui « permet de déceler les couleurs vives dans la vie abîmée ».
Tout n’est pas noir. La lumière est tout près
En mettant à nu sa vulnérabilité, l’auteur s’adresse à tous ceux qui sont concernés par l’invisibilité, la honte, la culpabilité. Il témoigne que faire l’expérience de sa vulnérabilité permet d’envisager une nouvelle série de possibles, d’inventer d’autres formes de vie. Tout n’est pas noir. La lumière est tout près.
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