Le miroir par Luc Bronner
Luc Bronner effaré devant le niveau de violence et par le discours politique
Luc Bronner, journaliste au Monde, a couvert les banlieues de 2005 à 2011, il a écrit en 2010 La Loi du ghetto. L’idée de ce nouveau livre lui est venue sous un abribus, lorsque Nanterre s’est enflammée suite au décès du jeune Nahel, effaré qu’il était devant le niveau de violence et par le discours politique qui, depuis vingt ans, nous promet de l’ordre, de l’ordre, de l’ordre ; et l’on constate que ça ne marche pas. « Vingt ans après les émeutes de l’automne 2005, les quartiers sont un de ces miroirs dans lesquels la France peut se regarder pour se demander ce qu’elle devient lorsque le logiciel sécuritaire l’emporte. »
2005 et 2023
2005, ce sont 21 jours d’émeutes, 200 bâtiments incendiés et 12 000 gendarmes mobilisés. 2023, ce sont 4 jours d’émeutes, 1 000 bâtiments incendiés et 45 000 gendarmes ; et autant d’arrestations qu’en l’année 2005. 800 blessés parmi les forces de l’ordre, contre 200 en 2005. Touchant plus de villes et d’une intensité jamais connue due en partie à l’existence des réseaux sociaux : chacun peut filmer un événement et ces images deviennent virales en un instant. Quant aux condamnations, les peines de prison furent plus nombreuses et plus longues que d’ordinaire : « Face à une situation d’exception, l’État a mis en place une justice d’exception. »
L’auteur du Miroir craint pour notre société un engrenage de violences
Mais le seul répressif ne suffit pas. Luc Bronner note que parallèlement au discours politique, c’est l’ensemble de la société qui devient plus violente : dans l’enceinte de l’assemblée nationale déjà; dans la rue, le montrent les débordements des gilets jaunes et les manifestations contre le projet de loi sur les retraites. L’auteur du Miroir craint pour notre société un engrenage de violences.
Les pouvoirs publics ont pris au sérieux l’évolution d’un islam radical vers un islam terroriste, évolution qui « a accentué le rejet des musulmans dans l’opinion et les ressentiments d’une partie des musulmans modérés. »
Ils font aussi face à un développement inédit du narcotrafic. Une commission d’enquête parlementaire, qui a travaillé plusieurs mois, parle de « submersion ». Selon Luc Bronner, la question centrale reste celle de la consommation : quelle est cette société qui amène à consommer tant de drogues et dans tous les milieux sociaux ? Par ailleurs l’alcool semble avoir disparu de nos débats alors qu’il reste source de multiples et graves violences.
On continue de mettre ensemble les pauvres
Luc Bronner aborde enfin le tabou des ségrégations sociales et ethniques. « Comme 23 ministres différents se sont succédé à la tête de la politique de la ville depuis 1991, l’instabilité n’a jamais cessé. » Il cite le maire de Trappes : « On rénove certes à coup de milliards mais on continue de mettre ensemble les pauvres. » Ce que confirme une préfète : « Nous payons la concentration de la pauvreté, la non-mixité scolaire et le refus de construire des logements sociaux partout. » Le taux de jeunes en échec scolaire est deux fois supérieur parmi les émeutiers ; le non-droit est le fait de la scolarité.
Il reste le meilleur
Là où l’intégration a réussi, là où des milliers d’invisibles écrivent leur vie dans l’accueil, le respect, la bienveillance têtue, la reconnaissance de l’autre. La cité de la Monnaie, dans la Drôme, s’est fait connaître par la mort de Thomas, 16 ans, à la sortie d’un bal, et tous les clichés sur les jeunes des banlieues sont réapparus. Cinq mois plus tard, dans la même cité, Zakaria, 15 ans, qui voulut protéger Mathieu âgé de 14 ans, fut tué par un adulte, et de cet acte héroïque personne n’a parlé. « Une société fabrique ses coupables. Et ses héros. Parfois elle ne veut pas voir ses héros pour n’avoir qu’à se plaindre de ses coupables. »
Gérard Marle fc
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