Portrait du père Joseph Mahon fc (8/11/1926 – 15/5/2018)
« Nous sommes partis pour le Brésil avec une mission bien précise : convaincre les gens qu’ils sont aimés de Dieu dont l’Amour est infini, avec une priorité pour les travailleurs et les plus démunis ; former dans les communautés des groupes capables de se prendre en charge – les communautés de base – dans tous les domaines : écoles, logements, eau, égouts… et développer l’amitié entre eux, conformément à la Parole de Dieu » José Mahon fc
Les débuts de la vocation de Joseph Mahon fc
Joseph Mahon fc est né le 8 novembre 1926 à Roubaix, département du Nord, diocèse de Lille, dans une famille ouvrière. La vie était rude. Il fut baptisé le 10 novembre. Joseph était le dernier d’une famille de 5 enfants, 2 garçons et 3 filles. Il témoigne du récit de sa mère, apprentie-couturière, racontant comment elle fit la connaissance de son futur mari « fasciné par sa présence » (In Bernard Lucquiaud, « Un prêtre au pays du Carnaval », éditions du Panthéon, mars 2018, pages 44 et 45). Joseph fut confirmé en mai 1936.
En mai 1940, son père qui a vécu la grande guerre et fut emmené en captivité en Allemagne et n’en revint que fin mai 1919, décide « d’évacuer » et conduit sa famille jusqu’en Vendée, à Notre-Dame de Monts en bord de mer. Un soir d’hiver 1942-1943 un prêtre Fils de la Charité vient causer aux internes de Saint-Joseph à Fontenay-le-Comte. Il ravive la flamme de la vocation chez le jeune Joseph : « je sens très fort que Jésus m’appelle dans cette voie ». Le 1er octobre 1944, avec le soutien de sa mère, il entre au Grand Séminaire de Luçon. Puis le 27 août 1946 arrive au postulat des Fils de la Charité à Meudon, dans la maison de Bellevue. Le 6 octobre 1946 il commence son noviciat : « La charité, la pauvreté et l’amour des pauvres que vous mettez à la base de votre spiritualité, le genre d’apostolat auquel vous vous donnez m’attirent en effet et j’espère qu’avec la grâce de Dieu, je pourrais travailler toute ma vie dans votre congrégation » (Extrait de la lettre de Joseph pour demander son entrée au noviciat, datée du 2 avril 1946 à Luçon.).
Il prononce ses vœux temporaires le 7 octobre 1947 puis ses vœux perpétuels le 7 octobre 1951 (Ce qui fait 4 années du fait de l’interruption liée au service militaire au 126ème bataillon d’infanterie « Oradour-sur-Glane » du 28 avril 1949 au 26 avril 1950 à Brive ; « un grand moment » selon Joseph). Il est prêtre le 20 mai 1951. Durant ses années de formation il se révéla un élève « studieux, bien noté, estimé, un religieux fervent, dévoué, qui aime les pauvres. » Il bénéficiât aussi d’une formation de fraiseur dans le Centre des Métaux de Paris où il attira la sympathie et le respect de ses chefs et de ses camarades » (Appréciations du P. Louis Bachelez dans le carnet de Joseph)
Mais début août 1951 « tout se complique »
Joseph est envoyé étudier le droit canonique… « une catastrophe »… « Aimez-vous les uns les autres ne figure pas dans le Droit Canon ». Heureusement il rejoint la communauté du Kremlin-Bicêtre composée de bons copains Fils de la Charité Pierre Thomas fc et Henri Bourdiec fc qui lui transmettent leurs savoir-faire et leur zèle apostolique. Puis Joseph est nommé à Hautmont près de Maubeuge où sont concentrées les industries métallurgiques. Il a pour curé un Fils de la Charité qu’il qualifie d’exceptionnel, Robert Meurice. Ce dernier lui confie un quartier ouvrier et un jeune assistant Pierre Jourdanne fc, que Joseph retrouvera quelques années plus tard. Car après 5 ans dans le Nord, la congrégation l’appelle comme professeur de droit canonique au Grand Séminaire d’Issy-les-Moulineaux (septembre 1958). La nomination du P. Robert Meurice comme recteur atténue sa déception. Néanmoins il se décourage.
Départ pour Santo André au Brésil
Enfin en juillet 1961, suite à la décision de la congrégation d’envoyer des prêtres Fils de la Charité dans d’autres pays du monde, il est proposé à Joseph de partir au Brésil, dans une ville très ouvrière de la banlieue de Sao Paulo (appelée Santo André) avec Pierre Jourdanne fc : « tout s’éclaire pour moi… une vie nouvelle… ». Il restera 36 ans à Santo André, d’abord à la paroisse Santa Terezinha (la paroisse du Carnaval : « Vous êtes des professeurs de joie et des formateurs de lien social » ( In Bernard Lucquiaud, « Un prêtre au pays du Carnaval », éditions du Panthéon, mars 2018, page 93), puis à la paroisse de Mauà…
Le 31 mars 1964 commence la dictature des militaires. A cette époque et durant quelques mois José part au travail comme fraiseur dans l’industrie. Il travaille de nuit et assure de nombreuses tâches paroissiales. Il doit abandonner, épuisé par ce rythme de vie trop intense.
Avec le cardinal Evaristo Arns, soutenu par les évêques et les prêtres, l’Église s’oppose à la dictature, cachant des personnes recherchées, imprimant clandestinement des tracts dénonçant les tortures… « Il me semble revivre un peu le climat de la résistance en France dans les années 1943-44 ». José prend de gros risques comme ce 2 novembre 1972 où il sortit des griffes de la police politique (DOPS) deux jeunes incarcérés.
Joseph Mahon doit rentrer se soigner en France avant de rejoindre Santo André au Brésil
Atteint de tuberculose osseuse, José doit rentrer se soigner en France : sept mois hospitalisé, puis sept mois en convalescence. Il en profite pour reprendre des études et présentera une thèse de sociologie sous la direction d’Alain Touraine en 1973.
En 1968, il est nommé responsable de la pastorale diocésaine de Santo André, œuvrant à la mise en place des communautés ecclésiales de base. Il a aidé beaucoup de prêtres à servir cette pastorale nouvelle promue par la conférence des évêques du Brésil. José a aussi participé à la formation des laïcs, ce qui était novateur, par exemple auprès d’ouvriers de l’industrie métallurgique, appelés à devenir diacres permanents.
« A cette même époque nous étions sept ou huit Fils de France, et Carlos Tosar fc, Uruguayen. Les premiers candidats brésiliens arrivaient. Nous étions loin d’apparaître comme une communauté, et encore moins de travailler en équipe! Et là encore José a eu la capacité de nous maintenir en communion, ne tenant aucun compte de son temps, ni des kilomètres ! Probablement comme tous ceux qui l’ont connu dans d’autres situations et responsabilités, nous avons apprécié sa disponibilité, sa fidélité dans l’amitié, sa capacité de mettre en valeur le positif de chacun et de toute situation. Avec José tout était action de grâces » témoigne Yves Rannou fc
Durant les années très dures de la dictature, José soutient les communautés en lutte contre les injustices, en particulier les expulsions. C’est habillé avec les ornements de prêtres, aube et étole qu’il sera jeté dans un fourgon de police, et cela à plusieurs reprises. Il soutient les ouvriers, aux côtés des syndicats de la métallurgie qui, à partir de 1978, redeviennent très combatifs et multiplient les grèves (In Bernard Lucquiaud, « Un prêtre au pays du Carnaval », éditions du Panthéon, mars 2018, page 9).
Départ pour le Portugal
En 1997, le supérieur général de l’époque, Michel Retailleau fc demande à José de se mettre au service des Fils de la Charité qui sont au Portugal. Il arrive ainsi à Barreiro, paroisse de Lavradio durant deux ans, puis trois années à Barreiro, et enfin quatre années à Lavradio. « Certaines personnes touchent notre âme avec un simple regard ! Certaines personnes touchent nos cœurs avec un sourire ! Il y a ceux qui nous touchent avec une intensité qui reste un héritage pour toute une vie ! » témoigne Rosa Ferreira, depuis Barreiro.
Retour au Brésil dont il prend la nationalité
En 2006, il retourne enfin dans ce pays si cher à son cœur : le Brésil. Il y prendra la nationalité brésilienne. Il aidera à l’adoption de nombreux enfants. Mais le grand âge et la maladie l’obligent à rentrer en France et se faire soigner à Paris. Il rejoint la communauté de nos frères aînés de Saint-Joseph à Issy-les-Moulineaux.
« Quand nous étions petits, José était l’oncle aventurier parti pour un pays lointain, l’oncle qui, quand il revenait, racontait le Brésil pendant les longs repas de famille. Nous étions admiratifs de sa mémoire pour les anniversaires, de son souci de prendre des nouvelles de chacun mais aussi de son intérêt pour le monde actuel auquel il s’était adapté.
La gaieté, la sérénité et la confiance avec lesquelles il vivait la maladie, la douleur et la perspective du départ sont de grands témoignages de foi et d’espérance pour nous et nos enfants. » témoignent des membres de sa famille.
Jean-Michel Rapaud, fc, responsable de France
- Les obsèques de Joseph Mahon fc auront lieu vendredi 25 mai 2018, à 15h à l’église Saint-Etienne d’Issy-les-Moulineaux, 5 place de l’église 92130. Après la messe, l’inhumation se déroulera au cimetière 57 rue de l’égalité.
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