Les archives du Père Charles Devuyst

15 Juin 2020 | Histoire & Patrimoine | 1 commentaire

Auteur de l'article : Émilie Papaix
Crédit photos : Fils de la Charité

Les archives du Père Charles Devuyst

 

Pilier de la fondation de l’Institut des Fils de la Charité, le Père Charles Devuyst n’est pourtant pas le membre le plus connu de la congrégation. Né le 10 mai 1881, à Lille, dans un milieu ouvrier, il devient Frère de Saint-Vincent-de-Paul et rencontre le Père Jean-Emile Anizan, futur fondateur des Fils de la Charité. Lorsque cette congrégation est créée, en 1918, Charles Devuyst en est un des premiers membres, après avoir contribué à sa fondation. Lorsque le Père Anizan décède, en 1928, le Père Devuyst lui succède comme supérieur général de l’Institut. Il exerce cette fonction jusqu’à son décès, en 1931.

Les archives de Charles Devuyst permettent de découvrir le parcours religieux de ce prêtre peu connu. Ce fonds compte majoritairement des documents écrits, dont beaucoup sont manuscrits. En plus des archives relevant de son ministère, une collection de poèmes et écrits est également conservée.

L’inventaire de ces documents est disponible en ligne. Il concerne uniquement les archives personnelles de Charles Devuyst. Les documents qu’il a produits en tant que supérieur général sont classés à part. L’ensemble de ces archives peut être consulté sur rendez-vous au service d’archives des Fils de la Charité.

 

 

“Allégorie de l’arbre creux”, rédigée par Charles Devuyst (s.d., archives des Fils de la Charité, 2E01/01)

1902-1914 : un Frère de Saint-Vincent-de-Paul

Charles Devuyst connaît l’Institut des Frères de Saint-Vincent-de-Paul au patronage Vauban de Lille. Il entre au juvénat de Chaville, puis au scolasticat de Rome, où il est élève du futur cardinal Billot. En 1907, il est ordonné prêtre. Cette même année, le Père Anizan, élu supérieur général des Frères de Saint-Vincent-de-Paul, le nomme secrétaire du Bureau central de l’Union des Œuvres catholiques de France.

En 1914, Jean-Emile Anizan est déposé de sa charge de supérieur général après la visite apostolique du Père Saubat. Charles Devuyst est un de ceux qui prennent sa défense. Il fait partie des 26 supérieurs de maison qui adressent une supplique au pape Pie X pour lui exprimer leur soutien. Il contacte le cardinal Amette, archevêque de Paris, pour que l’Institut soit dissous. En mars 1914, il demande à être dispensé de ses voeux et quitte la congrégation.

 

Lettre d’ordination de Charles Devuyst (1907, archives des Fils de la Charité, 2E01/03)

Dispense de voeux religieux prononcés dans la congrégation des Frères de Saint-Vincent-de-Paul (1914, archives des Fils de la Charité, 2E01/03)

1914-1918 : un aumônier militaire

Lorsque la guerre est déclarée, le 3 août 1914, Charles Devuyst, ancien Frère de Saint-Vincent-de-Paul, devient infirmier auprès des soldats. Avant que le conflit ne débute, il soutient déjà les combattants au sein de l’Œuvre du Rosaire-Vivant des soldats chrétiens. Nommé aumônier militaire en novembre 1915, il exerce cette fonction jusqu’en août 1918, où il est gazé et déclaré invalide.

Durant cette période de troubles, Charles Devuyst reste en contact avec Jean-Emile Anizan, qui est lui aussi aumônier militaire. Il échange également des lettres avec les Pères Alexandre Josse et Yves Allès, comme lui anciens Frères de Saint-Vincent-de-Paul et proches du Père Anizan. Il a plusieurs fois l’occasion de les voir au cours du conflit. Ces réunions sont des temps d’échange, où les trois hommes lisent ensemble les lettres envoyées par le Père Anizan depuis Verdun. Ils contribuent également à élargir le groupe qui commence à se former autour de l’ancien supérieur général des Frères de Saint-Vincent-de-Paul, en contactant des prêtres qui ont eux aussi quitté la congrégation et des jeunes hommes qui étaient dans les maisons de formation.

Charles Devuyst durant la Première Guerre mondiale (archives des Fils de la Charité, n°2540/52)

Nomination de Charles Devuyst comme aumônier militaire (1915, archives des Fils de la Charité, 2E01/05)

1918-1928 : un des premiers Fils de la Charité

Dès la fin de la Première Guerre mondiale, les contours de la future congrégation des Fils de la Charité commencent à se dessiner autour de Jean-Emile Anizan. Charles Devuyst participe activement à cette création. Il est notamment présent à la réunion du 13 novembre 1918, lors de laquelle d’anciens Frères de Saint-Vincent-de-Paul travaillent sur les constitutions du futur Institut. Ces dernières sont approuvées le 25 décembre 1918 par le cardinal Amette, archevêque de Paris, donnant naissance aux Fils de la Charité.

Charles Devuyst prononce ses voeux temporaires en 1920, puis ses vœux perpétuels en 1925. Cette année-là se tient le chapitre général de la congrégation. Il est élu premier assistant, aux côtés du supérieur général Jean-Emile Anizan.

En parallèle, le Père Devuyst reste actif à l’Union des Œuvres catholiques de France. Il exerce également son ministère en paroisse. Vicaire de Notre-Dame Auxiliatrice de Clichy de 1920 à 1921, il remplace le Père Anizan comme curé de cette paroisse en 1924.

 

Vœux perpétuels de Charles Devuyst au sein de l’Institut des Fils de la Charité (1925, archives des Fils de la Charité, 2E01/06)

Extrait de Le Christ dans la banlieue, de Pierre Lhande (Paris, Plon, 1927, p. 252-253) dans lequel Charles Devuyst est mentionné de façon anonyme :

« À Clichy (Notre-Dame-Auxiliatrice, paroisse fondée par le zèle de l’abbé Daniel Fontaine) trois ou quatre prêtres s’exténuent à un labeur écrasant. Je les visite, un soir de l’automne dernier, dans leur appartement vraiment minable, leurs cellules semblables à des taudis. M. le curé me reçoit dans son lit au fond d’une sorte de petit boyau qui est sa chambre. Malade ? Non. Simplement terrassé, à bout, incapable de se tenir sur ses jambes après les veilles de la nuit, les visites aux malades, les convois, les catéchismes de la matinée : « Excusez-moi, je n’en puis plus ! » L’excuser ! Avec ses deux auxiliaires il dirige quatre patronages qui atteignent plus de la moitié des enfants de ce quartier populeux, alimente deux écoles, préside à deux grands syndicats avec cours professionnels et bureaux de placement, réunit régulièrement les cent adhérents de son Œuvre de la Nouveauté, organise deux colonies de vacances, harangue son Union paroissiale des chefs de familles groupant plus de huit cents hommes, anime ses Dames propagandistes qui se sont partagé les divers quartiers pour les visiter assidûment, tient une Soupe des pauvres, une Garderie, etc… Et le résultat répond à ses efforts. On atteint le plus grand nombre des enfants pour le baptême. Les enterrements civils sont des exceptions. Quatre-vingts mariages et quatre-vingt-dix convois sur cent se font à l’église, et près de 50 pour 100 des mourants reçoivent le sacrement de l’Extrême-Onction. Et cela se passe à Clichy-la-Rouge… Mais on est pauvre, très pauvre, on s’use vite à la tâche, et quand on « n’en peut plus »,on va s’étendre, le corps rompu, sur un petit lit de fer dans un réduit aux murs nus… On se repose et on recommence… ».

1928-1931 : le successeur de Jean-Emile Anizan

Le 1er mai 1928, les Fils de la Charité sont endeuillés par le décès du fondateur de leur Institut. En tant que premier assistant, Charles Devuyst assure l’intérim de la fonction de supérieur général. Un chapitre extraordinaire se réunit afin d’élire le successeur du Père Anizan. Le Père Devuyst est choisi. Cette élection est pour lui l’occasion de s’interroger sur sa place dans l’Institut. Ses doutes sont notamment visibles dans une note manuscrite présente dans son fonds d’archives.

En tant que supérieur général, Charles Devuyst doit faire face aux désaccords des Fils de la Charité au sujet de la place des Frères dans l’Institut, c’est-à-dire des religieux qui n’ont pas été ordonnés prêtres. Partisan de l’opinion du Père Anizan, le Père Devuyst entend valoriser les Frères en les associant aux prêtres dans l’action apostolique. D’autres membres fondateurs de la congrégation, tels que Georges Vaugeois ou Bruno Mayet, sont opposés à cette idée, qui devient une source de tensions entre le nouveau supérieur général et certains Fils de la Charité.En plus de son nouveau rôle au sein de la congrégation, Charles Devuyst poursuit son ministère paroissial à Clichy. À partir de 1929, il est curé de la paroisse Saint-Vincent-de-Paul. Il exerce ses fonctions de supérieur général et de curé jusqu’au 13 juillet 1931, date à laquelle il meurt des suites d’une opération. La congrégation est une nouvelle fois orpheline. Le Père Georges Vaugeois est choisi comme nouveau supérieur général, et le reste jusqu’en 1943. Le mandat du Père Devuyst, bien que court, est une période marquante dans l’histoire de l’Institut, qui se développe sans son fondateur à partir de 1928.

 

Note manuscrite de Charles Devuyst s’interrogeant sur son rôle de successeur de Jean-Emile Anizan (s.d., archives des Fils de la Charité, 4B01/01)

 

Article rédigé par Émilie Papaix, archiviste des Fils de la Charité

 

Bibliographie

Pierre Le Clerc, Histoire des Fils de la Charité en France (1914-1968), Paris, Fils de la Charité, 1997, t. 1, 80 p.

Jean-Yves Moy, Le Père Anizan, prêtre du peuple, Paris, Cerf, 1997, 816 p.

1 Commentaire

  1. Xavier Séclier

    Il y a quelques années (2007-2009) les jeunes Fils de la Charité de France avaient baptisé leur communauté de formation de Saint-Ouen “communauté Charles Devuyst” au grand étonnement de certains confrères Fils de la Charité qui ne connaissait pas le successeur du P. Anizan. Nous avons pris conscience déjà de l’importance de cet homme brillant parti trop tôt pour la maison du Père. S’il avait pu vivre plus longtemps sans doute que l’Institut aurait été différent.

    Réponse

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